Graziella

XIV

Le billet tomba de mes mains. En voulant leramasser, je vis à terre, sous ma porte, une fleur de grenade quej’avais admirée le dernier dimanche dans les cheveux de la jeunefille et la petite médaille de dévotion qu’elle portait toujoursdans son sein et qu’elle avait attachée quelques mois avant à monrideau pendant ma maladie. Je ne doutai plus que ma porte ne se fûten effet ouverte et refermée pendant la nuit ; que les paroleset les sanglots étouffés que j’avais cru entendre et que j’avaispris pour les plaintes du vent ne fussent les adieux et lessanglots de la pauvre enfant. Une place sèche sur le seuilextérieur de l’entrée de ma chambre, au milieu des traces de pluiequi tachaient tout le reste de la terrasse, attestait que la jeunefille s’était assise là pendant l’orage, qu’elle avait passé sadernière heure à se plaindre et à pleurer couchée ou agenouilléesur cette pierre. Je ramassai la fleur de grenade et la médaille etje les cachai dans mon sein.

Les pauvres gens, au milieu de leur désespoirétaient touchés de me voir pleurer comme eux. Je fis ce que je puspour les consoler. Il fut convenu que s’ils retrouvaient leurfille, on ne lui parlerait plus de Cecco. Cecco lui-même, que Beppoétait allé chercher fut le premier à se sacrifier à la paix de lamaison et au retour de sa cousine. Tout désespéré qu’il fût, onvoyait qu’il était heureux de ce que son nom était prononcé avectendresse dans le billet, et qu’il trouvait une sorte deconsolation dans les adieux mêmes qui faisaient son désespoir.

« Elle a pensé à moi pourtant »,disait-il, et il s’essuyait les yeux. Il fut à l’instant convenuentre nous que nous n’aurions pas un instant de repos avant d’avoirtrouvé les traces de la fugitive.

Le père et Cecco sortirent à la hâte pouraller s’informer dans les innombrables monastères de femmes de laville. Beppo et la grand-mère coururent chez toutes les jeunesamies de Graziella qu’ils soupçonnèrent d’avoir reçu quelquesconfidences de ses pensées et de sa fuite. Moi, étranger, je mechargeai de visiter les quais, les ports de Naples et les portes dela ville pour interroger les gardes, les capitaines de navire, lesmariniers, et pour savoir si aucun d’eux n’avait vu une jeuneProcitane sortir de la ville et s’embarquer le matin.

La matinée se passa dans de vaines recherches.Nous rentrâmes tous silencieux et mornes à la maison pour nousraconter mutuellement nos démarches et pour nous consulter denouveau. Personne, excepté les enfants, n’eut la force de porter unmorceau de pain à la bouche. Andréa et sa femme s’assirentdécouragés sur le seuil de la chambre de Graziella. Beppino etCecco retournèrent errer sans espoir dans les rues et dans leséglises, que l’on rouvre le soir à Naples pour les litanies et lesbénédictions.

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