Commentaire.
Voici à quelle occasion j’écrivis cesvers :
Mes deux amis, MM. de Virieu, de Vignet, etmoi, nous nous embarquâmes, un soir d’orage, dans un petit bateaude pêcheurs sur le lac du Bourget. La tempête nous prit et nouschassa au hasard des vagues à trois ou quatre lieues du point oùnous nous étions embarqués. Après avoir été ballottés toute lanuit, les flots nous jetèrent entre les rochers d’une petite île àl’extrémité du lac. Le sommet de l’île était surmonté d’un vieuxchâteau flanqué de tours, et dont les jardins, échelonnés enterrasses unies les unes aux autres par de petits escaliers dans leroc, couvraient toute la surface de l’îlot. Ce château était habitépar M. de Châtillon, vieux gentilhomme savoisien. Il nous offritl’hospitalité ; nous passâmes deux ou trois jours dans sonmanoir, entre ses livres et ses fleurs. M. de Châtillon menait,depuis quinze ou vingt ans, une vie d’ermite dans cette demeure. Ilsentait son bonheur, et il le chantait. Il avait écrit un poëmeintitulé Mon lac et mon château. C’était l’Horace rustiquede ce Tibur sauvage. Ses vers ne manquaient ni de grâce ni desentiment ; ils réfléchissaient la sérénité d’une âme calméepar le soir de la vie, comme son lac réfléchissait lui-même sondonjon festonné de lierre, d’espaliers et de jasmin. Il était loinde se douter qu’un de ses trois jeunes hôtes était lui-même poëtesous ses cheveux blonds. Il fut heureux de trouver en nous desauditeurs et des appréciateurs de sa poésie : en troisséances, après le souper, il nous lut tout son poëme. Quand notrebateau fut radoubé, nous prîmes congé du vieux gentilhomme. Nousétions déjà amis. Quelques jours après, je lui renvoyais pour cartede visite, par un batelier qui allait à Seyssel et qui passait aupied de son île, ces vers.