Méditations poétiques

XXV – LE TEMPLE.

Qu’il est doux, quand du soir l’étoilesolitaire,

Précédant de la nuit le char silencieux,

S’élève lentement dans la voûte des cieux,

Et que l’ombre et le jour se disputent laterre ;

Qu’il est doux de porter ses pas religieux

Dans le fond du vallon, vers ce templerustique

Dont la mousse a couvert le modesteportique,

Mais où le ciel encor parle à des cœurspieux !

Salut, bois consacré ! Salut, champfunéraire,

Des tombeaux du village humbledépositaire !

Je bénis en passant tes simples monuments.

Malheur à qui des morts profane lapoussière !

J’ai fléchi le genou devant leur humblepierre,

Et la nef a reçu mes pas retentissants.

Quelle nuit ! quel silence ! au fonddu sanctuaire

À peine on aperçoit la tremblante lumière

De la lampe qui brûle auprès des saintsautels.

Seule elle luit encor quand l’universsommeille,

Emblème consolant de la bonté qui veille

Pour recueillir ici les soupirs desmortels.

Avançons. Aucun bruit n’a frappé monoreille ;

Le parvis frémit seul sous mes pasmesurés :

Du sanctuaire enfin j’ai franchi lesdegrés.

Murs sacrés, saints autels ! je suisseul, et mon âme

Peut verser devant vous ses douleurs et saflamme,

Et confier au ciel des accents ignorés,

Que lui seul connaîtra, que vous seulsentendrez.

Mais quoi ! de ces autels j’ose approchersans crainte !

J’ose apporter, grand Dieu ! dans cetteauguste enceinte

Un cœur encor brûlant de douleur etd’amour !

Et je ne tremble pas que ta majesté sainte

Ne venge le respect qu’on doit à sonséjour !

Non, je ne rougis plus du feu qui meconsume :

L’amour est innocent quand la vertul’allume.

Aussi pur que l’objet à qui je l’ai juré,

Le mien brûle mon cœur, mais c’est d’un feusacré ;

La constance l’honore et le malheurl’épure.

Je l’ai dit à la terre, à toute lanature ;

Devant tes saints autels je l’ai dit sanseffroi :

J’oserais, Dieu puissant, la nommer devanttoi.

Oui, malgré la terreur que ton templem’inspire,

Ma bouche a murmuré tout bas le nomd’Elvire ;

Et ce nom, répété de tombeaux en tombeaux,

Comme l’accent plaintif d’une ombre quisoupire,

De l’enceinte funèbre a troublé le repos.

Adieu, froids monuments, adieu, saintesdemeures !

Deux fois l’écho nocturne a répété lesheures,

Depuis que devant vous mes larmes ontcoulé :

Le ciel a vu ces pleurs, et je sorsconsolé.

Peut-être au même instant, sur un autrerivage,

Elvire veille aussi, seule avec mon image,

Et dans un temple obscur, les yeux baignés depleurs,

Vient aux autels déserts confier sesdouleurs.

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