XXIX – HYMNE AU SOLEIL.
1825.
Vous avez pris pitié de sa longuedouleur ;
Vous me rendez le jour, Dieu que l’amourimplore !
Déjà mon front, couvert d’une mollepâleur,
Des teintes de la vie à ses yeux secolore,
Déjà dans tout mon être une douce chaleur
Circule avec mon sang, remonte dans moncœur :
Je renais pour aimer encore !
Mais la nature aussi se réveille en cejour ;
Au doux soleil de mai nous la voyonsrenaître :
Les oiseaux de Vénus autour de ma fenêtre,
Du plus chéri des mois proclament leretour !
Guide mes premiers pas dans nos vertescampagnes,
Conduis-moi, chère Elvire, et soutiens tonamant.
Je veux voir le soleil s’élever lentement,
Précipiter son char du haut de nosmontagnes,
Jusqu’à l’heure où dans l’onde il iras’engloutir,
Et cédera les airs au nocturne zéphyr.
Viens ! que crains-tu pour moi ? leciel est sans nuage ;
Ce plus beau de nos jours passera sansorage ;
Et c’est l’heure où déjà, sur les gazons enfleurs,
Dorment près des troupeaux les paisiblespasteurs.
Dieu, que les airs sont doux ! que lalumière est pure !
Tu règnes en vainqueur sur toute lanature,
Ô soleil ! et des cieux, où ton char estporté,
Tu lui verses la vie et la fécondité.
Le jour où, séparant la nuit de lalumière,
L’Éternel te lança dans ta vaste carrière,
L’univers tout entier te reconnut pourroi ;
Et l’homme, en t’adorant, s’inclina devanttoi.
De ce jour, poursuivant ta carrièreenflammée,
Tu décris sans repos ta routeaccoutumée ;
L’éclat de tes rayons ne s’est pointaffaibli,
Et sous la main des temps ton front n’a pointpâli !
Quand la voix du matin vient réveillerl’aurore,
L’Indien prosterné te bénit ett’adore ;
Et moi, quand le midi de ses feuxbienfaisants
Ranime par degrés mes membreslanguissants,
Il me semble qu’un Dieu, dans tes rayons deflamme,
En échauffant mon sein, pénètre dans monâme !
Et je sens de ses fers mon esprit détaché,
Comme si du Très-Haut le bras m’avaittouché.
Mais… ton sublime auteur défend-il de lecroire ?
N’es-tu point, ô soleil, un rayon de sagloire ?
Quand tu vas mesurant l’immensité descieux,
Ô soleil, n’es-tu point un regard de sesyeux ?
Ah ! si j’ai quelquefois, au jour del’infortune,
Blasphémé du soleil la lumière importune,
Si j’ai maudit les dons que j’ai reçus detoi,
Dieu, qui lis dans nos cœurs, ô Dieu !pardonne-moi !
Je n’avais pas goûté la volupté suprême
De revoir la nature auprès de ce quej’aime,
De sentir dans mon cœur, aux rayons d’un beaujour,
Redescendre à la fois et la vie etl’amour.
Insensé ! j’ignorais tout le prix de lavie ;
Mais ce jour me l’apprend, et je teglorifie !