Commentaire.
Cette ode est un des derniers morceaux depoésie que j’aie écrits, dans le temps où j’imitais encore. Elle mefut inspirée à Paris, en 1817, par les infortunes d’un pauvre poëteportugais appelé Manoël. Après avoir été illustre dans son pays,chassé par les réactions politiques, il s’était réfugié à Paris, oùil gagnait péniblement le pain de ses vieux jours en enseignant salangue. Une jeune religieuse, d’une beauté touchante et d’undévouement absolu, s’était attachée d’enthousiasme à l’exil et à lamisère du poëte. Il m’enseignait le portugais et m’apprenait àadmirer Camoëns.
Les poëtes ne sont peut-être pas plusmalheureux que le reste des hommes ; mais leur célébrité adonné dans tous les temps plus d’éclat à leur malheur : leurslarmes sont immortelles ; leurs infortunes retentissent, commeleurs amours, dans tous les siècles. La pitié s’agenouille, degénération en génération, sur leur tombeau. Le naufrage de Camoëns,sa grotte dans l’île de Macao, sa mort dans l’indigence, loin de sapatrie, sont le pendant des amours, des revers, des prisons duTasse à Ferrare. Je ne suis pas superstitieux, même pour lagloire ; et cependant j’ai fait deux cents lieues pour allertoucher de ma main les parois de la prison du chantre de laJérusalem, et pour y écrire mon nom au-dessous du nom deByron, comme une visite expiatoire. J’ai détaché avec mon couteauun morceau de brique du mur contre lequel sa couche étaitappuyée ; je l’ai fait enchâsser dans un cachet servant debague, et j’y ai fait graver les deux mots qui résument la vie depresque tous les grands poëtes : Amour et larmes.