Méditations poétiques

Commentaire.

Le marquis de La Maisonfort était un de cesémigrés français qui avaient suivi la cour sur la terre étrangère,et qui avaient ébloui, pendant dix ans, l’Europe de leurinsouciance et de leur esprit. Il avait été l’ami de Rivarol, deChampcenetz, et de tous ces jeunes et brillants écrivains desActes des Apôtres, Satire Ménippée de 89, journal à peuprès semblable au Charivari d’aujourd’hui, dans lequel ilsdécochaient à la Révolution des flèches légères, pendant qu’ellecombattait le trône avec la sape, et bientôt avec la hache.

Après le retour des Bourbons en 1814, lemarquis de La Maisonfort avait été nommé, par Louis XVIII, ministreplénipotentiaire à Florence. En 1825, je fus nommé de légation dansla même cour. Le marquis de La Maisonfort était poëte : ilm’accueillit comme un père, et m’ouvrit plus de portefeuilles devers que de portefeuilles de dépêches. Il vivait nonchalamment etvoluptueusement dans ce doux exil des bords de l’Arno. C’était leplus naïf et le plus piquant mélange de philosophie voltairienne,épicurienne et sceptique de l’ancien régime, avec les théoriesofficielles et le langage assaisonné de trône et d’autel, delégitimité et de culte monarchique, dont il avait pris l’habitude àla cour d’Hartwell ; un Voltaire charmant, converti parl’exil, le malheur, la situation à la cour, mais conservant, sousson habit de diplomate et d’homme d’État, la grâce et l’incrédulitérailleuse de sa première vie.

Il me priait souvent d’encadrer son nom dansmes vers, qui avaient, disait-il, plus d’ailes que les siens pourle porter au delà de la vie. Je lui adressai ceux-ci, écrits, unsoir d’automne, sous les châtaigniers de la sauvage colline deTresserves, qui domine le lac du Bourget en Savoie.

Le marquis de La Maisonfort mourut l’annéesuivante à Lyon, en revenant de Paris à Florence. Je le remplaçaien Toscane. Sa mémoire me resta chère, douce comme ces souvenirsd’un entretien semi-sérieux qui font encore sourire, le lendemain,du plaisir d’esprit qu’on a eu la veille.

Cette race charmante de l’émigré françaisn’existe plus : elle s’est éteinte avec celle des abbés decour, que j’ai encore entrevus dans ma jeunesse, et qu’on neretrouve plus qu’en Italie. Les émigrés étaient les conteurs arabesde nos jours. Le marquis de La Maisonfort fut un des plusspirituels et des plus intéressants.

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