VII – TRISTESSE
Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage
Où Naples réfléchit dans une mer d’azur
Ses palais, ses coteaux, ses astres sansnuage,
Où l’oranger fleurit sous un ciel toujourspur.
Que tardez-vous ? Partons ! Je veuxrevoir encore
Le Vésuve enflammé sortant du sein deseaux ;
Je veux de ses hauteurs voir se leverl’aurore ;
Je veux, guidant les pas de celle quej’adore,
Redescendre, en rêvant, de ces riantscoteaux ;
Suis-moi dans les détours de ce golfetranquille ;
Retournons sur ces bords à nos pas siconnus,
Aux jardins de Cinthie, au tombeau deVirgile,
Près des débris épars du temple deVénus :
Là, sous les orangers, sous la vignefleurie,
Dont le pampre flexible au myrte se marie,
Et tresse sur ta tête une voûte de fleurs,
Au doux bruit de la vague ou du vent quimurmure,
Seuls avec notre amour, seuls avec lanature,
La vie et la lumière auront plus dedouceurs.
De mes jours pâlissants le flambeau seconsume,
Il s’éteint par degrés au souffle dumalheur,
Ou, s’il jette parfois une faible lueur,
C’est quand ton souvenir dans mon sein lerallume ;
Je ne sais si les dieux me permettrontenfin
D’achever ici-bas ma pénible journée.
Mon horizon se borne, et mon œil incertain
Ose l’étendre à peine au-delà d’une année.
Mais s’il faut périr au matin,
S’il faut, sur une terre au bonheurdestinée,
Laisser échapper de ma main
Cette coupe que le destin
Semblait avoir pour moi de rosescouronnée,
Je ne demande aux dieux que de guider mespas
Jusqu’aux bords qu’embellit ta mémoirechérie,
De saluer de loin ces fortunés climats,
Et de mourir aux lieux où j’ai goûté lavie.