XXXIX – LES OISEAUX.
1842.
Orchestre du Très-Haut, bardes de seslouanges,
Ils chantent à l’été des notes debonheur ;
Ils parcourent les airs avec des ailesd’anges
Échappés tout joyeux des jardins duSeigneur.
Tant que durent les fleurs, tant que l’épiqu’on coupe
Laisse tomber un grain sur les sillonsjaunis,
Tant que le rude hiver n’a pas gelé lacoupe
Où leurs pieds vont poser comme aux bords deleurs nids,
Ils remplissent le ciel de musique et dejoie :
La jeune fille embaume et verdit leurprison,
L’enfant passe la main sur leur duvet desoie,
Le vieillard les nourrit au seuil de samaison.
Mais dans les mois d’hiver, quand la neige etle givre
Ont remplacé la feuille et le fruit, oùvont-ils ?
Ont-ils cessé d’aimer ? Ont-ils cessé devivre ?
Nul ne sait le secret de leurs lointainsexils.
On trouve au pied de l’arbre une plumesouillée,
Comme une feuille morte où rampe un verrongeur,
Que la brume des nuits a jaunie etmouillée,
Et qui n’a plus, hélas ! ni parfum nicouleur.
On voit pendre à la branche un nid remplid’écailles,
Dont le vent pluvieux balance un noirdébris ;
Pauvre maison en deuil et vieux pan demurailles
Que les petits, hier, réjouissaient decris.
Ô mes charmants oiseaux, vous si joyeuxd’éclore !
La vie est donc un piège où le bon Dieu vousprend ?
Hélas ! c’est comme nous. Et nouschantons encore !
Que Dieu serait cruel, s’il n’était pas sigrand !