Méditations poétiques

I – L’ISOLEMENT.

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieuxchêne,

Au coucher du soleil, tristement jem’assieds ;

Je promène au hasard mes regards sur laplaine,

Dont le tableau changeant se déroule à mespieds.

Ici gronde le fleuve aux vaguesécumantes ;

Il serpente, et s’enfonce en un lointainobscur ;

Là, le lac immobile étend ses eauxdormantes

Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.

Au sommet de ces monts couronnés de boissombres,

Le crépuscule encor jette un dernierrayon ;

Et le char vaporeux de la reine des ombres

Monte, et blanchit déjà les bords del’horizon.

Cependant, s’élançant de la flèchegothique,

Un son religieux se répand dans lesairs ;

Le voyageur s’arrête, et la clocherustique

Aux derniers bruits du jour mêle de saintsconcerts.

Mais à ces doux tableaux mon âmeindifférente

N’éprouve devant eux ni charme nitransports ;

Je contemple la terre ainsi qu’une âmeerrante :

Le soleil des vivants n’échauffe plus lesmorts.

De colline en colline en vain portant mavue,

Du sud à l’aquilon, de l’aurore aucouchant,

Je parcours tous les points de l’immenseétendue,

Et je dis : « Nulle part le bonheurne m’attend. »

Que me font ces vallons, ces palais, ceschaumières,

Vains objets dont pour moi le charme estenvolé ?

Fleuves, rochers, forêts, solitudes sichères,

Un être seul vous manque, et tout estdépeuplé !

Quand le tour du soleil ou commence ous’achève,

D’un œil indifférent je le suis dans soncours ;

En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou selève,

Qu’importe le soleil ? je n’attends riendes jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vastecarrière,

Mes yeux verraient partout le vide et lesdéserts ;

Je ne désire rien de tout ce qu’iléclaire ;

Je ne demande rien à l’immense univers.

Mais peut-être au delà des bornes de sasphère,

Lieux où le vrai soleil éclaire d’autrescieux,

Si je pouvais laisser ma dépouille à laterre,

Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mesyeux !

Là, je m’enivrerais à la source oùj’aspire ;

Là, je retrouverais et l’espoir etl’amour,

Et ce bien idéal que toute âme désire,

Et qui n’a pas de nom au terrestreséjour !

Que ne puis-je, porté sur le char del’Aurore,

Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’àtoi !

Sur la terre d’exil pourquoi resté-jeencore ?

Il n’est rien de commun entre la terre etmoi.

Quand la feuille des bois tombe dans laprairie,

Le vent du soir s’élève et l’arrache auxvallons ;

Et moi, je suis semblable à la feuilleflétrie :

Emportez-moi comme elle, orageuxaquilons !

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