Méditations poétiques

Commentaire.

J’étais de famille royaliste ; j’avaisservi dans les gardes du roi ; j’avais accompagné à cheval leduc de Berri, père du duc de Bordeaux, jusqu’à la frontière deFrance, quand il en sortit pour un second exil. L’assassinat de ceprince, quelques années après, m’avait profondément remué. Ledésespoir de sa jeune veuve, qui portait dans son sein le gage deleur amour, avait attendri toute l’Europe. La naissance de cetenfant parut une vengeance du ciel contre l’assassin, unebénédiction miraculeuse du sang des Bourbons. J’étais loin de laFrance quand j’appris cet événement : il inspira ma jeuneimagination autant que mon cœur. J’écrivis sous cette inspiration.Ces vers, je ne les envoyai point à la cour de France, qui ne meconnaissait pas ; je les adressai à mon père et à ma mère, quise réjouirent de voir leurs propres sentiments chantés par leurfils. J’ai été, comme la France entière de cette époque, mauvaisprophète des destinées de cet enfant. Je n’ai jamais rougi des vœuxtrès désintéressés que je fis alors sur ce berceau. Je ne les aijamais démentis par un acte ingrat ou par une parole dédaigneusesur le sort de ces princes. Quand les Bourbons que je servais ontété proscrits du trône et du pays en 1830, j’ai donné ma démissiondu nouveau souverain, pour n’avoir point à maudire ce que j’avaisbéni. Depuis, cette seconde branche de la monarchie a étéretranchée elle-même. J’ai été plus respectueux envers leurinfortune que je ne l’avais été envers leur puissance. Quand letrône s’est définitivement écroulé sous la main libre du peuple, jene devais rien à celui qui l’avait occupé le dernier. J’ai puprêter loyalement ma main à ce peuple pour inaugurer la république.Dix-huit ans d’indépendance absolue me séparaient des souvenirs etdes devoirs de ma jeunesse envers une autre monarchie. Mon espritavait grandi, mes idées s’étaient élargies ; mon cœur étaitlibre d’engagement, mes devoirs étaient tous envers mon pays. J’aifait ce que j’ai cru devoir faire pour sauver de grands malheurs,et pour préparer de grandes voies au peuple. Je fais pour luimaintenant les mêmes vœux que je faisais il y a trente ans pour uneautre forme de souveraineté. Quand à ceux que j’adressais alors auciel pour l’enfance du duc de Bordeaux, Dieu les a autrementexaucés ; il les a mieux exaucés peut-être, pour son bonheur,dans l’exil que dans la patrie, dans la vie privée que sur untrône.

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