XLI – LE COQUILLAGE AU BORD DE LAMER.
À UNE JEUNE ÉTRANGÈRE.
Quand tes beaux pieds distraits errent, ôjeune fille,
Sur ce sable mouillé, frange d’or de lamer,
Baisse-toi, mon amour, vers la blondecoquille
Que Vénus fait, dit-on, polir au flotamer.
L’écrin de l’Océan n’en a point depareille ;
Les roses de ta joue ont peine àl’égaler ;
Et quand de sa volute on approchel’oreille,
On entend mille voix qu’on ne peutdémêler.
Tantôt c’est la tempête avec ses lourdesvagues,
Qui viennent en tonnant se briser sur tespas ;
Tantôt c’est la forêt avec ses frissonsvagues ;
Tantôt ce sont des voix qui chuchotent toutbas.
Oh ! ne dirais-tu pas, à ce confusmurmure
Que rend le coquillage aux lèvres decarmin,
Un écho merveilleux où l’immense nature
Résume tous ses bruits dans le creux de tamain ?
Emporte-la, mon ange ! Et quand tonesprit joue
Avec lui-même, oisif, pour charmer tesennuis,
Sur ce bijou des mers penche en riant tajoue,
Et, fermant tes beaux yeux, recueilles-en lesbruits.
Si, dans ces mille accents dont sa conquefourmille,
Il en est un plus doux qui vienne tefrapper,
Et qui s’élève à peine aux bords de lacoquille,
Comme un aveu d’amour qui n’oses’échapper ;
S’il a pour ta candeur des terreurs et descharmes ;
S’il renaît en mourant presqueéternellement ;
S’il semble au fond d’un cœur rouler avec deslarmes ;
S’il tient de l’espérance et dugémissement…
Ne te consume pas à chercher cemystère !
Ce mélodieux souffle, ô mon ange, c’estmoi !
Quel bruit plus éternel et plus doux sur laterre,
Qu’un écho de mon cœur qui m’entretient detoi ?