Méditations poétiques

Commentaire.

J’avais peu lu la Bible. J’avais parcouruseulement, comme tout le monde, les strophes des psaumes de Davidou des prophètes, dans les livres d’Heures de ma mère. Ces languesde feu m’avaient ébloui. Mais cela me paraissait si peu en rapportavec le genre de poésie adapté à nos civilisations et à nossentiments d’aujourd’hui, que je n’avais jamais pensé à lire desuite ces feuilles détachées des sibylles bibliques.

Il y avait en ce temps, à Paris, un jeunehomme d’une figure spirituelle, fine et douce, qu’on appelait M. deGenoude. Je l’avais rencontré chez son ami le duc de Rohan. Ilcultivait aussi M. de Lamennais, M. de Montmorency, M. deChateaubriand. Il me témoigna un des premiers une tendre admirationpour mes poésies, dont il ne connaissait que quelques pages. Nousnous liâmes d’une certaine amitié. Ce jeune homme traduisait alorsla Bible. Il arrivait souvent chez moi le matin, les épreuves de satraduction à la main, et je lui faisais lire des fragments qui merévélaient une région plus haute et plus merveilleuse depoésie.

Ces entretiens et ces lectures m’inspirèrentl’idée de rassembler dans un seul chant les différents caractèreset les principales images des divers poëtes sacrés. J’écrivis cecien cinq ou six matinées, au bruit des causeries de mes amis, dansma petite chambre de l’hôtel de Richelieu. J’en fis hommage à M. deGenoude, par reconnaissance de son affection pour moi.

Il m’aida, quelques temps après, à trouver unéditeur pour mon premier volume des Méditations. Il futconstamment plein d’obligeance et de grâce amicale pour moi. Il sedestinait alors à l’état ecclésiastique. Quelques années plus tard,il renonça à cette pensée, rencontra dans le monde une jeunepersonne d’une grâce noble et d’une âme plus noble encore : ill’épousa ; elle lui laissa des fils. Le veuvage et latristesse le ramenèrent à ces premières vocations. Il entra auséminaire et il se fit prêtre ; mais il voulut, et je m’enaffligeai pour lui, avoir un pied dans le sanctuaire, un pied dansle monde politique. Fausse attitude. Dieu est jaloux, et le mondeest logique. Le prêtre, dans aucune religion, ne peut combattre. M.de Genoude resta journaliste, et devint député. La politique nerompit pas notre ancienne amitié, mais elle rompit nos opinions etnos rapports. Il mourut les armes à la main. J’aurais voulu qu’illes déposât au pied de l’autel avant l’heure du tombeau.N’importe ! Nous nous trompons tous : quelle est donc lavie qui n’ait pas de fausses routes ? Une larme les efface,une intention droite les redresse : Dieu est grand ! Ilreste de M. de Genoude une mémoire sans tache, d’immenses travauxqui ont vulgarisé le sentiment de la liberté en greffant cesentiment sur des idées ou sur des préjugés monarchiques, et del’estime dans tous les partis. Sa mort laisse un vide dans messouvenirs. Je le voyais peu dans le présent, mais je l’aimais dansson passé.

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