Commentaire.
Ces vers furent écrits par moi dans cet étatde convalescence qui suit les violentes convulsions et les grandesdouleurs de l’âme, où l’on se sent renaître à la vie par lapuissante sève de la jeunesse, mais où l’on sent encore en soi lafaiblesse et la langueur de la maladie et de la mort. Ce sont lesmoments où l’on cherche à se rattacher, par le souvenir et parl’illusion, aux images de son enfance ; c’est alors aussi quela piété de nos premiers jours rentre dans notre âme pour ainsidire par les sens, avec la mémoire de notre berceau, de notreprière du premier foyer, du premier temps où l’on a appris à épelerle nom que nos parents donnaient à Dieu. Une femme de l’anciennecour, amie de Madame Élisabeth, femme d’un esprit très distingué etd’un cœur très maternel pour moi, Mme la marquise de Raigecourt,m’avait accueilli avec beaucoup de bonté à Paris. Très frappée dequelques vers que je lui avais confiés, et de la lecture d’unetragédie sacrée que j’avais écrite alors, elle entretenait unecorrespondance avec moi. Elle avait rapporté du pied de l’échafaudde son amie, Madame Élisabeth, des cachots de la Terreur et desexils d’une longue émigration, ce sentiment de religion et depieuse réminiscence des autels de sa jeunesse, que le malheur donneaux exilés. Elle m’entretenait sans cesse de Racine et de Fénelon,ces Homère et ces Euripide du siècle catholique de Louis XIV ;elle me disait que j’avais en moi quelques cendres encore chaudesde leur foyer éteint ; elle m’encourageait à chercher lesmêmes inspirations dans les mêmes croyances. Moi-même, lassé dechercher dans la nature et dans la seule raison les lettresprécises de ce symbole que tout homme sensible a besoin de se faireà soi-même, je m’inclinai vers Celui que j’avais balbutié, avec mespremières paroles, sur les genoux d’une mère.
J’écrivis ces vers sous cette doubleimpression, et je les envoyai à Mme de Raigecourt : elle meles rendit plus tard, quand je me décidai, sur ses instances, àrecueillir et à publier ces Méditations.