Méditations poétiques

XXII – LA SAGESSE

Ô vous, qui passez comme l’ombre

Par ce triste vallon des pleurs,

Passagers sur ce globe sombre,

Hommes ! mes frères en douleurs,

Écoutez : voici vers Solime

Un son de la harpe sublime

Qui charmait l’écho du Thabor :

Sion en frémit sous sa cendre,

Et le vieux palmier croit entendre

La voix du vieillard de Ségor !

Insensé le mortel qui pense !

Toute pensée est une erreur.

Vivez, et mourez en silence ;

Car la parole est au Seigneur !

Il sait pourquoi flottent lesmondes ;

Il sait pourquoi coulent les ondes,

Pourquoi les cieux pendent sur nous,

Pourquoi le jour brille et s’efface,

Pourquoi l’homme soupire et passe :

Et vous, mortels, que savez-vous ?

Asseyez-vous près des fontaines,

Tandis qu’agitant les rameaux,

Du midi les tièdes haleines

Font flotter l’ombre sur les eaux :

Au doux murmure de leurs ondes

Exprimez vos grappes fécondes

Où rougit l’heureuse liqueur ;

Et de main en main sous vos treilles

Passez-vous ces coupes vermeilles

Pleines de l’ivresse du cœur.

Ainsi qu’on choisit une rose

Dans les guirlandes de Sârons,

Choisissez une vierge éclose

Parmi les lis de vos vallons !

Enivrez-vous de son haleine ;

Écartez ses tresses d’ébène,

Goûtez les fruits de sa beauté.

Vivez, aimez, c’est la sagesse :

Hors le plaisir et la tendresse,

Tout est mensonge et vanité !

Comme un lis penché par la pluie

Courbe ses rameaux éplorés,

Si la main du Seigneur vous plie,

Baissez votre tête, et pleurez.

Une larme à ses pieds versée

Luit plus que la perle enchâssée

Dans son tabernacle immortel ;

Et le cœur blessé qui soupire

Rend un son plus doux que la lyre

Sous les colonnes de l’autel !

Les astres roulent en silence

Sans savoir les routes des cieux ;

Le Jourdain vers l’abîme immense

Poursuit son cours mystérieux ;

L’aquilon, d’une aile rapide,

Sans savoir où l’instinct le guide,

S’élance et court sur vos sillons ;

Les feuilles que l’hiver entasse,

Sans savoir où le vent les chasse,

Volent en pâles tourbillons !

Et vous, pourquoi d’un soin stérile

Empoisonner vos jours bornés ?

Le jour présent vaut mieux que mille

Des siècles qui ne sont pas nés.

Passez, passez, ombres légères,

Allez où sont allés vos pères,

Dormir auprès de vos aïeux.

De ce lit où la mort sommeille,

On dit qu’un jour elle s’éveille

Comme l’aurore dans les cieux !

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