Méditations poétiques

VI – LE VALLON.

Mon cœur, lassé de tout, même del’espérance,

N’ira plus de ses vœux importuner lesort ;

Prêtez-moi seulement, vallon de monenfance,

Un asile d’un jour pour attendre la mort.

Voici l’étroit sentier de l’obscurevallée :

Du flanc de ces coteaux pendent des boisépais,

Qui, courbant sur mon front leur ombreentremêlée,

Me couvrent tout entier de silence et depaix.

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts deverdure

Tracent en serpentant les contours duvallon ;

Ils mêlent un moment leur onde et leurmurmure,

Et non loin de leur source ils se perdent sansnom.

La source de mes jours comme eux s’estécoulée ;

Elle a passé sans bruit, sans nom et sansretour :

Mais leur onde est limpide, et mon âmetroublée

N’aura pas réfléchi les clartés d’un beaujour.

La fraîcheur de leurs lits, l’ombre qui lescouronne,

M’enchaînent tout le jour sur les bords desruisseaux ;

Comme un enfant bercé par un chantmonotone,

Mon âme s’assoupit au murmure des eaux.

Ah ! c’est là qu’entouré d’un rempart deverdure,

D’un horizon borné qui suffit à mes yeux,

J’aime à fixer mes pas, et, seul dans lanature,

À n’entendre que l’onde, à ne voir que lescieux.

J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans mavie ;

Je viens chercher vivant le calme duLéthé.

Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’onoublie :

L’oubli seul désormais est ma félicité.

Mon cœur est en repos, mon âme est ensilence ;

Le bruit lointain du monde expire enarrivant,

Comme un son éloigné qu’affaiblit ladistance,

À l’oreille incertaine apporté par levent.

D’ici je vois la vie, à travers un nuage,

S’évanouir pour moi dans l’ombre dupassé ;

L’amour seul est resté, comme une grandeimage

Survit seule au réveil dans un songeeffacé.

Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile,

Ainsi qu’un voyageur qui, le cœur pleind’espoir,

S’assied, avant d’entrer, aux portes de laville,

Et respire un moment l’air embaumé dusoir.

Comme lui, de nos pieds secouons lapoussière ;

L’homme par ce chemin ne repassejamais :

Comme lui, respirons au bout de lacarrière

Ce calme avant-coureur de l’éternellepaix.

Tes jours, sombres et courts comme les joursd’automne,

Déclinent comme l’ombre au penchant descoteaux.

L’amitié te trahit, la pitié t’abandonne,

Et, seule, tu descends le sentier destombeaux.

Mais la nature est là qui t’invite et quit’aime ;

Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvretoujours :

Quand tout change pour toi, la nature est lamême,

Et le même soleil se lève sur tes jours.

De lumière et d’ombrage elle t’entoureencore :

Détache ton amour des faux biens que tuperds ;

Adore ici l’écho qu’adorait Pythagore,

Prête avec lui l’oreille aux célestesconcerts.

Suis le jour dans le ciel, suis l’ombre sur laterre ;

Dans les plaines de l’air vole avecl’aquilon ;

Avec le doux rayon de l’astre du mystère

Glisse à travers les bois dans l’ombre duvallon.

Dieu, pour le concevoir, a faitl’intelligence :

Sous la nature enfin découvre sonauteur !

Une voix à l’esprit parle dans sonsilence :

Qui n’a pas entendu cette voix dans soncœur ?

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