Méditations poétiques

XVI – LA CHARITÉ.

HYMNE ORIENTAL.

1846.

Dieu dit un jour à son soleil :

« Toi par qui mon nom luit, toi que madroite envoie

Porter à l’univers ma splendeur et majoie,

Pour que l’immensité me loue à sonréveil ;

De ces dons merveilleux que répand talumière,

De ces pas de géant que tu fais dans lescieux,

De ces rayons vivants que boit chaquepaupière,

Lequel te rend, dis-moi, dans toute tacarrière,

Plus semblable à moi-même et plus grand à tesyeux ? »

Le soleil répondit en se voilant laface :

« Ce n’est point d’éclairerl’immensurable espace,

De faire étinceler les sables des déserts,

De fondre du Liban la couronne de glace,

Ni de me contempler dans le miroir desmers,

Ni d’écumer de feu sur les vagues desairs :

Mais c’est de me glisser aux fentes de lapierre

Du cachot où languit le captif dans satour,

Et d’y sécher des pleurs au bord d’unepaupière

Que réjouit dans l’ombre un seul rayon dujour !

– Bien ! reprit Jéhovah ; c’estcomme mon amour ! »

Ce que dit le rayon au Bienfaiteursuprême,

Moi, l’insecte chantant, je le dis àmoi-même.

Ce qui donne à ma lyre un frisson debonheur,

Ce n’est point de frémir au vain souffle de lagloire,

Ni de jeter au temps un nom pour samémoire,

Ni de monter au ciel dans un hymnevainqueur ;

Mais c’est de résonner, dans la nuit dumystère,

Pour l’âme sans écho d’un pauvre solitaire

Qui n’a qu’un son lointain pour tout bruit surla terre,

Et d’y glisser ma voix par les fentes ducœur.

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