Méditations poétiques

XVIII – STANCES

Et j’ai dit dans mon cœur : Que faire dela vie ?

Irai-je encor, suivant ceux qui m’ontdevancé,

Comme l’agneau qui passe où sa mère apassé,

Imiter des mortels l’immortellefolie ?

L’un cherche sur les mers les trésors deMemnom,

Et la vague engloutit ses vœux et sonnavire ;

Dans le sein de la gloire où son génieaspire,

L’autre meurt enivré par l’écho d’un vainnom.

Avec nos passions formant sa vaste trame,

Celui-là fonde un trône, et monte pourtomber ;

Dans des pièges plus doux aimant àsuccomber,

Celui-ci lit son sort dans les yeux d’unefemme.

Le paresseux s’endort dans les bras de lafaim ;

Le laboureur conduit sa fertilecharrue ;

Le savant pense et lit, le guerrier frappe ettue ;

Le mendiant s’assied sur les bords duchemin.

Où vont-ils cependant ? Ils vont où va lafeuille

Que chasse devant lui le souffle deshivers.

Ainsi vont se flétrir dans leurs travauxdivers

Ces générations que le temps sème etcueille !

Ils luttaient contre lui, mais le temps avaincu ;

Comme un fleuve engloutit le sable de sesrives,

Je l’ai vu dévorer leurs ombres fugitives.

Ils sont nés, ils sont morts : Seigneur,ont-ils vécu ?

Pour moi, je chanterai le maître quej’adore,

Dans le bruit des cités, dans la paix desdéserts,

Couché sur le rivage, ou flottant sur lesmers,

Au déclin du soleil, au réveil del’aurore.

La terre m’a crié : Qui donc est leSeigneur ?

Celui dont l’âme immense est partoutrépandue,

Celui dont un seul pas mesure l’étendue,

Celui dont le soleil emprunte sasplendeur ;

Celui qui du néant a tiré la matière,

Celui qui sur le vide a fondé l’univers,

Celui qui sans rivage a renfermé les mers,

Celui qui d’un regard a lancé lalumière ;

Celui qui ne connaît ni jour ni lendemain,

Celui qui de tout temps de soi-mêmes’enfante,

Qui vit dans l’avenir comme à l’heureprésente,

Et rappelle les temps échappés de samain :

C’est lui ! c’est le Seigneur : quema langue redise

Les cent noms de sa gloire aux enfants desmortels.

Comme la harpe d’or pendue à ses autels,

Je chanterai pour lui, jusqu’à ce qu’il mebrise…

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