Commentaire.
Ce vallon est situé dans les montagnes duDauphiné, aux environs du grand Lemps ; il se creuseentre deux collines boisées, et son embouchure est fermée par lesruines d’un vieux manoir qui appartenait à mon ami Aymon de Virieu.Nous allions quelquefois y passer des heures de solitude, à l’ombredes pans de murs abandonnés que mon ami se proposait de relever etd’habiter un jour. Nous y tracions en idée des allées, despelouses, des étangs, sous les antiques châtaigniers qui setendaient leurs branches d’une colline à l’autre. Un soir, enrevenant du grand Lemps, demeure de sa famille, nous descendîmes decheval, nous remîmes la bride à de petits bergers, nous ôtâmes noshabits, et nous nous jetâmes dans l’eau d’un petit lac qui borde laroute. Je nageais très-bien, et je traversai facilement la napped’eau ; mais, en croyant prendre pied sur le bord opposé, jeplongeai dans une forêt sous-marine d’herbes et de joncs siépaisse, qu’il me fut impossible, malgré les plus vigoureuxefforts, de m’en dégager. Je commençais à boire et à perdre lesentiment, quand une main vigoureuse me prit par les cheveux et meramena sur l’eau, à demi noyé. C’était Virieu, qui connaissait lefond du lac, et qui me traîna évanoui sur la plage. Je repris messens aux cris des bergers.
Depuis ce temps, Virieu a rebâti en effet lechâteau de ses pères sur les fondements de l’ancienne masure. Il ya planté des jardins, creusé des réservoirs pour retenir leruisseau du vallon ; il a inscrit une strophe de cetteméditation sur un mur, en souvenir de nos jeunesses et de nosamitiés ; puis il est mort, jeune encore, entre les berceauxde ses enfants.