Méditations poétiques

Méditations poétiques

d’ Alphonse de Lamartine
PRÉFACE.

L’homme se plaît à remonter à sa source ;le fleuve n’y remonte pas. C’est que l’homme est une intelligence et que le fleuve est un élément. Le passé, le présent, l’avenir, ne sont qu’un pour Dieu. L’homme est Dieu par la pensée. Il voit, il sent, il vit à tous les points de son existence à la fois. Il se contemple lui-même, il se comprend, il se possède, il se ressuscite et il se juge dans les années qu’il a déjà vécues. En un mot, il revit tant qu’il lui plaît de revivre par ses souvenirs. C’est souffrance quelquefois, mais c’est sa grandeur. Revivons donc un moment, et voyons comment je naquis avec une parcelle de ce qu’on appelle poésie dans ma nature, et comment cette parcelle de feu divin s’alluma en moi à mon insu, jeta quelques fugitives lueurs dans ma jeunesse, et s’évapora plus tard dans les grands vents de mon équinoxe et dans la fumée de ma vie.

J’étais né impressionnable et sensible. Ces deux qualités sont les deux premiers éléments de toute poésie. Les choses extérieures à peine aperçues laissaient une vive et profonde empreinte en moi ; et, quand elles avaient disparu de mes yeux, elles se répercutaient et se conservaient présentes dans ce qu’on nomme l’imagination, c’est-à-dire la mémoire, qui revoit et qui repeint en nous. Mais, de plus, ces images ainsi revues et repeintes se transformaient promptement en sentiment. Mon âme animait ces images, mon cœur se mêlait à ces impressions.J’aimais et j’incorporais en moi ce qui m’avait frappé. J’étais une glace vivante qu’aucune poussière de ce monde n’avait encoreternie, et qui réverbérait l’œuvre de Dieu ! De là à chanterce cantique intérieur qui s’élève en nous il n’y avait pas loin. Ilne me manquait que la voix ; cette voix que je cherchais etqui balbutiait sur mes lèvres d’enfant, c’était la poésie. Voiciles plus lointaines traces que je retrouve, au fond de messouvenirs presque effacés, des premières révélations du sentimentpoétique qui allait me saisir à mon insu, et me faire à mon tourchanter des vers au bord de mon nid, comme l’oiseau.

J’avais dix ans ; nous vivions à lacampagne. Les soirées d’hiver étaient longues ; la lecture enabrégeait les heures. Pendant que notre mère berçait du pied une demes petites sœurs dans son berceau, et qu’elle allaitait l’autresur un long canapé d’Utrecht rouge et râpé, à l’angle du salon, monpère lisait. Moi je jouais à terre à ses pieds avec des morceaux desureau que le jardinier avait coupés pour moi dans le jardin ;je faisais sortir la moelle du bois à l’aide d’une baguette defusil. J’y creusais des trous à distances égales, j’en refermaisaux deux extrémités l’orifice, et j’en taillais ainsi des flûtesque j’allais essayer le lendemain avec mes camarades les enfants duvillage, et qui résonnaient mélodieusement au printemps sous lessaules, au bord du ruisseau, dans les prés.

Mon père avait une voix sonore, douce, grave,vibrante comme les palpitations d’une corde de harpe, où la vie desentrailles auxquelles on l’a arrachée semble avoir laissé legémissement d’un nerf animé. Cette voix, qu’il avait beaucoupexercée dans sa jeunesse en jouant la tragédie et la comédie dansles loisirs de ses garnisons, n’était point déclamatoire, maispathétique. Elle empruntait un attendrissement d’organe et unesuavité de son de plus, de l’heure, du lieu, du recueillement de lasoirée, de la présence de ces petits enfants jouant ou dormantautour de lui, du bruit monotone de ce berceau à qui le mouvementétait imprimé par le bout de la pantoufle de notre mère, et del’aspect de cette belle jeune femme qu’il adorait, et qu’il seplaisait à distraire des perpétuels soucis de sa maternité.

Il lisait dans un grand et beau volume reliéen peau et à tranche dorée (c’était un volume des œuvres deVoltaire) la tragédie de Mérope. Sa voix changeaitd’accents avec le rôle. C’était tantôt le tyran cruel, tantôt lamère tremblante, tantôt le fils errant et persécuté ; puis leslarmes de la reconnaissance, puis les soupçons de l’usurpateur,puis la fureur, la désolation, le coup de poignard, les larmes, lessanglots, la mort, le livre qui se refermait, le long silence quisuit les fortes commotions du cœur.

Tout en creusant mes flûtes de sureau,j’écoutais, je comprenais, je sentais ; ce drame de mère et defils se déroulait précisément tout entier dans l’ordre d’idées etde sentiments le plus à la portée de mon intelligence et de moncœur. Je me figurais Mérope dans ma mère ; moi dans le filsdisparu et reconnu retombant dans ses bras, arraché de son sein. Deplus, ce langage cadencé comme une danse de mots dans l’oreille,ces belles images qui font voir ce qu’on entend, ces hémistichesqui reposent le son pour le précipiter ensuite plus rapide, cesconsonances de la fin des vers qui sont comme des échos répercutésoù le même sentiment se prolonge dans le même son, cette symétriedes rimes qui correspond matériellement à je ne sais quel instinctde symétrie morale cachée au fond de notre nature, et qui pourraitbien être une contre-empreinte de l’ordre divin, du rhythme incréédans l’univers ; enfin cette solennité de la voix de mon père,qui transfigurait sa parole ordinairement simple, et qui merappelait l’accent religieux des psalmodies du prêtre le dimanchedans l’église de Milly ; tout cela suscitait vivement monattention, ma curiosité, mon émotion même. Je me disaisintérieurement : « Voilà une langue que je voudrais biensavoir, que je voudrais bien parler quand je serai grand. » Etquand neuf heures sonnaient à la grosse horloge de noyer de lacuisine, et que j’avais fait ma prière et embrassé mon père et mamère, je repassais en m’endormant ces vers, comme un homme quivient d’être ballotté par les vagues sent encore, après êtredescendu à terre, le roulis de la mer, et croit que son lit nagesur les flots.

Depuis cette lecture de Mérope, jecherchais toujours de préférence des ouvrages qui contenaient desvers, parmi les volumes oubliés sur la table de mon père ou sur lepiano de ma mère, au salon. La Henriade, toute sèche ettoute déclamatoire qu’elle fût, me ravissait. Ce n’était quel’amour du son, mais ce son était pour moi une musique. On mefaisait bien apprendre aussi par cœur quelques fables de LaFontaine ; mais ces vers boiteux, disloqués, inégaux, sanssymétrie ni dans l’oreille ni sur la page, me rebutaient.D’ailleurs, ces histoires d’animaux qui parlent, qui se font desleçons, qui se moquent les uns des autres, qui sont égoïstes,railleurs, avares, sans pitié, sans amitié, plus méchants que nous,me soulevaient le cœur. Les fables de La Fontaine sont plutôt laphilosophie dure, froide et égoïste d’un vieillard, que laphilosophie aimante, généreuse, naïve et bonne d’un enfant :c’est du fiel, ce n’est pas du lait pour les lèvres et pour lescœurs de cet âge. Ce livre me répugnait ; je ne savais paspourquoi. Je l’ai su depuis : c’est qu’il n’est pas bon.Comment le livre serait-il bon ? l’homme ne l’était pas. Ondirait qu’on lui a donné par dérision le nom du bon LaFontaine. La Fontaine était un philosophe de beaucoupd’esprit, mais un philosophe cynique. Que penser d’une nation quicommence l’éducation de ses enfants par les leçons d’uncynique ? Cet homme, qui ne connaissait pas son fils, quivivait sans famille, qui écrivait des contes orduriers en cheveuxblancs pour provoquer les sens de la jeunesse, qui mendiait dansdes dédicaces adulatrices l’aumône des riches financiers du tempspour payer ses faiblesses ; cet homme dont Racine, Corneille,Boileau, Fénelon, Bossuet, les poëtes, les écrivains sescontemporains, ne parlent pas, ou ne parlent qu’avec une espèce depitié comme d’un vieux enfant, n’était ni un sage ni un homme naïf.Il avait la philosophie du sans-souci et la naïveté de l’égoïsme.Douze vers sonores, sublimes, religieux, d’Athaliem’effaçaient de l’oreille toutes les cigales, tous les corbeaux ettous les renards de cette ménagerie puérile. J’étais né sérieux ettendre ; il me fallait dès lors une langue selon mon âme.Jamais je n’ai pu depuis, revenir de mon antipathie contre lesfables.

Une autre impression de ces premières annéesconfirma, je ne sais comment, mon inclination d’enfant pour lesvers.

Un jour que j’accompagnais mon père à lachasse, la voix des chiens égarés nous conduisit sur le reversd’une montagne boisée, dont les pentes, entrecoupées dechâtaigniers et de petits prés, sont semées des quelques chaumièreset de deux ou trois maisonnettes blanchies à la chaux, un peu plusriches que les masures de paysans, et entourées chacune d’unverger, d’un jardin, d’une haie vive, d’une cour rustique. Monpère, ayant retrouvé les chiens et les ayant remis en laisse avecleur collier de grelots, cherchait de l’œil un sentier qui menait àune de ces maisons, pour m’y faire déjeuner et reposer un moment,car nous avions marché depuis l’aube du jour. Cette maison étaithabitée par un de ses amis, vieil officier des armées du roi,retiré du service, et finissant ses jours dans ces montagnesnatales, entre une servante et un chien. C’était une belle journéed’automne. Les rayons du soleil du matin, dorant de teintesbronzées les châtaigniers et de teintes pourpres les flèches dedeux ou trois jeunes peupliers, venaient se réverbérer sur le murblanc de la petite maison, et entraient avec la brise chaude parune petite fenêtre ouverte encadrée de lierre, comme pour l’inonderde lumière, de gaieté et de parfum. Des pigeons roucoulaient sur lemur d’appui d’une étroite terrasse, d’où la source domestiquetombait dans le verger par un conduit de bois creux, comme dans lesvillages suisses. Nous appuyâmes le pouce sur le loquet, noustraversâmes la cour ; le chien aboya sans colère, et vint melécher les mains en battant l’air de sa queue, signe d’hospitalitépour les enfants. La vieille servante me mena à la cuisine pour mecouper une tranche de pain bis, puis au verger pour me cueillir despêches de vigne. Mon père était entré chez son ami. Quand j’eus monpain à la main et mes pêches dans mon chapeau, la bonne femme meramena à la maison rejoindre mon père.

Je le trouvai dans un petit cabinet detravail, causant avec son ami. Cet ami était un beau vieillard àcheveux blancs comme la neige, à l’aspect militaire, à l’œil vif, àla bouche gracieuse et mélancolique, au geste franc, à la voixmâle, mais un peu cassée. Il était assis entre la fenêtre ouverteet une petite table à écrire, sur laquelle les rayons du soleil,découpés par les feuilles d’arbres, flottaient aux ondulations duvent, qui agitaient les branches du peuplier comme une eau courantemoirée d’ombre et de jour. Deux pigeons apprivoisés becquetaientles pages d’un gros livre ouvert sous le coude du vieillard. Il yavait sur la table une écritoire en bois de rose avec deux petitescoupes d’argent ciselé, l’une pour la liqueur noire, l’autre pourle sable d’or. Au milieu de la table, on voyait de belles feuillesde papier vélin blanc comme l’albâtre, longues et larges commecelles des grands livres de plain-chant que j’admirais le dimancheà l’église sur le pupitre du sacristain. Ces feuilles de papierétaient liées ensemble par le dos avec des nœuds d’un petit rubanbleu de ciel qui aurait fait envie aux collerettes des jeunesfilles de Milly. Sur la première de ces feuilles, où la plume àblanches ailes était couchée depuis l’arrivée de mon père, onvoyait quelque chose d’écrit. C’étaient des lignes régulières,espacées, égales, tracées avec la règle et le compas, d’une formeet d’une netteté admirables, entre deux larges marges blanchesencadrées elles-mêmes dans de jolis dessins de fleurs à l’encrebleue. Je n’ai pas besoin d’ajouter que ces lignes étaient desvers. Le vieillard était poëte ; et, comme sa médiocritén’était pas aussi dorée que celle d’Horace, et qu’il ne pouvait paspayer à des imprimeurs l’impression de ses rêves champêtres, il sefaisait à lui-même des éditions soignées de ses œuvres enmanuscrits qui ne lui coûtaient que son temps et l’huile de salampe ; il espérait confusément qu’après lui la gloiretardive, comme disent les anciens, la meilleure, la plusimpartiale et la plus durable des gloires, ouvrirait un jour lecoffret de cèdre dans lequel il renfermait ses manuscritspoétiques, et le vengerait du silence et de l’obscurité danslesquels la fortune ensevelissait son génie vivant. Mon père et luicausaient de ses ouvrages pendant que je mangeais mes pêches et monpain, dont je jetais les miettes aux deux pigeons. Le vieillard,enchanté d’avoir un auditeur inattendu, lut à mon père un fragmentdu poëme interrompu. C’était la description d’une fontaine sous deschâtaigniers, au bord de laquelle des jeunes filles déposent leurscruches à l’ombre, et cueillent des pervenches et de margueritespour se faire des couronnes ; un mendiant survenait etracontait aux jeunes bergères l’histoire d’Aréthuse, de Narcisse,d’Hylas, des dryades, des naïades, de Thétis, d’Amphitrite et detoutes les nymphes qui ont touché à l’eau douce ou à l’eau salée.Car ce vieillard était de son temps, et en ce temps-là aucun poëtene se serait permis d’appeler les choses par leur nom. Il fallaitavoir un dictionnaire mythologique sous son chevet, si l’on voulaitrêver des vers. Je suis le premier qui ai fait descendre la poésiedu Parnasse, et qui ai donné à ce qu’on nommait la muse, au lieud’une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœur del’homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l’âmeet de la nature.

Quoi qu’il en soit, mon père, qui était troppoli pour s’ennuyer de mauvais vers au foyer même du poëte, donnaquelques éloges aux rimes du vieillard, siffla ses chiens, et meramena à la maison. Je lui demandai en chemin quelles étaient doncces jolies lignes égales, symétriques, espacées, encadrées deroses, liées de rubans, qui étaient sur la table. Il me réponditque c’étaient des vers, et que notre hôte était un poëte. Cetteréponse me frappa. Cette scène me fit une longue impression ;et depuis ce jour-là, toutes les fois que j’entendais parler d’unpoëte, je me représentais un beau vieillard assis auprès d’unefenêtre ouverte à large horizon, dans une maisonnette au bord degrands bois, au murmure d’une source, aux rayons d’un soleil d’ététombant sur sa plume, et écrivant entre ses oiseaux et son chiendes histoires merveilleuses, dans une langue de musique dont lesparoles chantaient comme les cordes de la harpe de ma mère,touchées par les ailes invisibles du vent dans le jardin de Milly.Une telle image, à laquelle se mêlait sans doute le souvenir despêches, du pain bis, de la bonne servante, des pigeons privés, duchien caressant, était de nature à me donner un grand goût pour lespoëtes, et je me promettais bien de ressembler à ce vieillard et defaire ce qu’il faisait quand je serais vieux. Les beaux versets despsaumes de David, que notre mère nous récitait le dimanche en nousles traduisant pour nous remplir l’imagination de piété, meparaissaient aussi une langue bien supérieure à ces misérablespuérilités de La Fontaine, et je comprenais que c’était ainsi qu’ondevait parler à Dieu.

Ce furent là mes premières notions et mespremiers avant-goûts de poésie. Ils s’effacèrent longtemps etentièrement sous le pénible travail de traduction obligée despoëtes grecs et latins qu’on m’imposa ensuite comme à tous lesenfants dans les études de collège. Il y a de quoi dégoûter legenre humain de tout sentiment poétique. La peine qu’un malheureuxenfant se donne à apprendre une langue morte, et à chercher dans undictionnaire le sens français du mot qu’il lit en latin ou en grecdans Homère, dans Pindare ou dans Horace, lui enlève toute lavolupté de cœur ou d’esprit que lui ferait la poésie même, s’il lalisait couramment en âge de raison. Il cherche, au lieu de jouir.Il maudit le mot sans avoir le loisir de penser au sens. C’est lepionnier qui pioche la cendre ou la lave dans les fouilles dePompéi ou d’Herculanum, pour arracher du sol, à la sueur de sonfront, tantôt un bras, tantôt un pied, tantôt une boucle de cheveuxde la statue qu’il déterre, au lieu du voluptueux contemplateur quipossède de l’œil la Vénus restaurée sur son piédestal, dans sonjour, dans sa grâce et dans sa nudité, parmi les divinités de l’artdu Vatican ou du palais Pitti à Florence.

Quant à la poésie française, les fragmentsqu’on nous faisait étudier chez les jésuites consistaient enquelques pitoyables rapsodies du P. Ducereau et de MmeDeshoulières, dans quelques épîtres de Boileau surl’Équivoque, sur les bruits de Paris, et sur le mauvaisdîner du restaurateur Mignot. Heureux encore quand on nouspermettait de lire l’épître à Antoine,

Son jardinier d’Auteuil,

Qui dirige chez lui l’if et lechèvrefeuil,

et quelques plaisanteries de sacristie,empruntées au Lutrin !

Qu’espérer de la poésie d’une nation qui nedonne pour modèle du beau dans les vers à sa jeunesse que despoëmes burlesques, et qui, au lieu de l’enthousiasme, enseigne laparodie à des cœurs et à des imaginations de quinze ans ?

Aussi je n’eus pas une aspiration de poésiependant toutes ces études classiques. Je n’en retrouvais quelqueétincelle dans mon âme que pendant les vacances, à la fin del’année. Je venais passer alors six délicieuses semaines près de mamère, de mon père, de mes sœurs, dans la petite maison de campagnequ’ils habitaient. Je retrouvais sur les rayons poudreux du salonla Jérusalem délivrée du Tasse et le Télémaque deFénelon. Je les emportais dans le jardin, sous une petite marged’ombre que le berceau de charmille étend le soir sur l’herbe d’uneallée. Je me couchais à côté de mes livres chéris, et je respiraisen liberté les songes qui s’exhalaient pour mon imagination deleurs pages, pendant que l’odeur des roses, de giroflées et desœillets des plates-bandes, m’enivrait des exhalaisons de ce sol,dont j’étais moi-même un pauvre cep transplanté !

Ce ne fut donc qu’après mes études terminéesque je commençai à avoir quelques vagues pressentiments de poésie.C’est Ossian, après le Tasse, qui me révéla ce monde des images etdes sentiments que j’aimai tant depuis à évoquer avec leurs voix.J’emportais un volume d’Ossian sur les montagnes ; je lelisais où il avait été inspiré, sous les sapins, dans les nuages, àtravers les brumes d’automne, assis près des déchirures destorrents, aux frissons des vents du nord, au bouillonnement deseaux de neige dans les ravins. Ossian fut l’Homère de mes premièresannées ; je lui dois une partie de la mélancolie de mespinceaux. C’est la tristesse de l’Océan. Je n’essayai que trèsrarement de l’imiter ; mais je m’en assimilai involontairementle vague, la rêverie, l’anéantissement dans la contemplation, leregard fixe sur des apparitions confuses dans le lointain. C’étaitpour moi une mer après le naufrage, sur laquelle flottent, à lalueur de la lune, quelques débris ; où l’on entrevoit quelquesfigures de jeunes filles élevant leurs bras blancs, déroulant leurscheveux humides sur l’écume des vagues ; où l’on distingue desvoix plaintives entrecoupées du mugissement des flots contrel’écueil. C’est le livre non écrit de la rêverie, dont les pagessont couvertes de caractères énigmatiques et flottants aveclesquels l’imagination fait et défait ses propres poëmes, commel’œil rêveur avec les nuées fait et défait ses paysages.

Je n’écrivais rien de moi-même encore.Seulement, quand je m’asseyais au bord des bois de sapins, surquelque promontoire des lacs de la Suisse, ou quand j’avais passédes journées entières à errer sur les grèves sonores des mersd’Italie, et que je m’adossais à quelque débris de môle ou detemple pour regarder la mer ou pour écouter l’inépuisablebalbutiement des vagues à mes pieds, des mondes de poésie roulaientdans mon cœur et dans mes yeux ! je composais pour moi seul,sans les écrire, des poëmes aussi vastes que la nature, aussiresplendissants que le ciel, aussi pathétiques que les gémissementsde brises de mer dans les têtes des pin-liéges et dans les feuillesdes lentisques, qui coupent le vent comme autant de petits glaives,pour le faire pleurer et sangloter dans des millions de petitesvoix. La nuit me surprenait souvent ainsi, sans pouvoir m’arracherau charme des fictions dont mon imagination s’enchantait elle-même.Oh ! quels poëmes, si j’avais pu et si j’avais su les chanteraux autres alors comme je me les chantais intérieurement !Mais ce qu’il y a de plus divin dans le cœur de l’homme n’en sortjamais, faute de langue pour être articulé ici-bas. L’âme estinfinie, et les langues ne sont qu’un petit nombre de signesfaçonnés par l’usage pour les besoins de communication du vulgairedes hommes. Ce sont des instruments à vingt-quatre cordes pourrendre des myriades de notes que la passion, la pensée, la rêverie,l’amour, la prière, la nature et Dieu, font entendre dans l’âmehumaine. Comment contenir l’infini dans ce bourdonnement d’uninsecte au bord de sa ruche, que la ruche voisine ne comprend mêmepas ? Je renonçais à chanter, non faute de mélodiesintérieures, mais faute de voix et de notes pour les révéler.

Cependant je lisais beaucoup, et surtout lespoëtes. À force de les lire, je voulus quelquefois les imiter. Àmes retours de voyage, pour passer les hivers tristes et longs à lacampagne, dans la maison sans distraction de mon père, j’ébauchaiplusieurs poëmes épiques, j’écrivais en entier cinq ou sixtragédies. Cet exercice m’assouplit la main et l’oreille auxrhythmes. J’écrivis aussi un ou deux volumes d’élégies amoureuses,sur le mode de Tibulle, du chevalier de Bertin et de Parny. Cesdeux poëtes faisaient les délices de la jeunesse. L’imagination,toujours très sobre d’élans et alors très desséchée par lematérialisme de la littérature impériale, ne concevait rien de plusidéal que ces petits vers corrects et harmonieux de Parny,exprimant à petites doses les fumées d’un verre de vin deChampagne, les agaceries, les frissons, les ivresses froides, lesruptures, les réconciliations, les langueurs d’un amour de bonnecompagnie qui changeait de nom à chaque livre. Je fis comme mesmodèles, quelquefois peut-être aussi bien qu’eux. Je copiai avecsoin, pendant un automne pluvieux, quatre livres d’élégies, formantensemble deux volumes sur du beau papier vélin, et gravées plutôtqu’écrites d’une plume plus amoureuse que mes vers. Je me proposaisde publier un jour ce recueil quand j’irais à Paris, et de me faireun nom dans un des médaillons de cette guirlande de voluptueuximmortels qui n’ont cueilli de la vie humaine que les roses et lesmyrtes, qui commencent à Anacréon, à Bion, à Moschus, qui secontinuent par Properce, Ovide, Tibulle, et qui finissent àChaulieu, à La Fare, à Parny.

Mais la nature en avait autrement décidé. Àpeine mes deux volumes étaient-ils copiés, que le mensonge, levide, la légèreté, le néant de ces pauvretés sensuelles plus oumoins bien rimées m’apparut. La pointe de feu des premières grandespassions réelles n’eut qu’à toucher et à brûler mon cœur, pour yeffacer toutes ces puérilités et tous ces plagiats d’une fausselittérature. Dès que j’aimai, je rougis de ces profanations de lapoésie aux sensualités grossières. L’amour fut pour moi le charbonde feu qui brûle, mais qui purifie les lèvres. Je pris un jour mesdeux volumes d’élégies, je les relus avec un profond mépris demoi-même, je demandai pardon à Dieu du temps que j’avais perdu àles écrire, je les jetai au brasier, je les regardai noircir et setordre avec leur belle reliure de maroquin vert sans regret nipitié, et je vis monter la fumée comme celle d’un sacrifice debonne odeur à Dieu et au véritable amour.

Je changeai à cette époque de vie et delectures. Le service militaire, les longues absences, lesattachements sérieux, les amitiés plus saines, le retour à mesinstincts naturellement religieux cultivés de nouveau en moi par laBéatrice de ma jeunesse, le dégoût des légèretés du cœur,le sentiment grave de l’existence et de son but, puis enfin la mortde ce que j’avais aimé, qui mit un sceau de deuil sur maphysionomie comme sur mes lèvres ; tout cela, sans éteindre enmoi la poésie, la refoula bien loin et longtemps dans mes pensées.Je passai huit ans sans écrire un vers.

Quand les longs loisirs et le vide desattachements perdus me rendirent cette espèce de chant intérieurqu’on appelle poésie, ma voix était changée, et ce chant étaittriste comme la vie réelle. Toutes mes fibres attendries de larmespleuraient ou priaient, au lieu de chanter. Je n’imitais pluspersonne, je m’exprimais moi-même pour moi-même. Ce n’était pas unart, c’était un soulagement de mon propre cœur, qui se berçait deses propres sanglots. Je ne pensais à personne en écrivant çà et làces vers, si ce n’est à une ombre et à Dieu. Ces vers étaient ungémissement dans la solitude, dans les bois, sur la mer ;voilà tout. Je n’étais pas devenu plus poëte, j’étais devenu plussensible, plus sérieux et plus vrai. C’est là le véritableart : être touché ; oublier tout art pour atteindre lesouverain art, la nature :

Si vis me fiere, dolendum est

Primum ipsi tibi ! …

Ce fut tout le secret du succès si inattendupour moi des Méditations, quand elles me furent arrachées,presque malgré moi, par des amis à qui j’en avais lu quelquesfragments à Paris. Le public entendit une âme sans la voir, et vitun homme au lieu d’un livre. Depuis J. J. Rousseau, Bernardin deSaint-Pierre et Chateaubriand, c’était le poëte qu’il attendait. Cepoëte était jeune, malhabile, médiocre ; mais il étaitsincère. Il alla droit au cœur, il eut des soupirs pour échos etdes larmes pour applaudissements.

Je ne jouis pas de cette fleur de renommée quis’attacha à mon nom dès le lendemain de la publication de cepremier volume des Méditations. Trois jours après jequittai Paris pour aller occuper un poste diplomatique àl’étranger. Louis XVIII, qui avait de l’Auguste dans le caractèrelittéraire, se fit lire, par le duc de Duras, mon petit volume,dont les journaux et les salons retentissaient. Il crut qu’unenouvelle Mantoue promettait à son règne un nouveau Virgile. Ilordonna à M. Siméon, son ministre de l’intérieur, de m’envoyer, desa part, l’édition des classiques de Didot, seul présent que j’aiejamais reçu des cours. Il signa le lendemain ma nomination à unemploi de secrétaire d’ambassade, qui lui fut présentée par M.Pasquier, son ministre des affaires étrangères. Le roi ne me vitpas. Il était loin de se douter qu’il me connaissait beaucoup defigure, et que le poëte dont il redisait déjà les vers était un deces jeunes officiers de ses gardes qu’il avait souvent paruremarquer, et à qui il avait une ou deux fois adressé la parolequand je galopais aux roues de sa voiture, dans les courses àVersailles ou à Saint-Germain.

Ces vers cependant furent pendant longtempsl’objet des critiques, des dénigrements et des railleries du vieuxparti littéraire classique, qui se sentait détrôné par cettenouveauté. Le Constitutionnel et la Minerve,journaux très illibéraux en matière de sentiment et de goût,s’acharnèrent pendant sept à huit ans contre mon nom. Ilsm’affublèrent d’ironies, ils m’aguerrirent aux épigrammes. Le ventles emporta, mes mauvais vers restèrent dans le cœur des jeunesgens et des femmes, ces précurseurs de toute postérité. Je vivaisloin de la France, j’étudiais mon métier, j’écrivais encore detemps en temps les impressions de ma vie en méditations, enharmonies, en poëmes ; je n’avais aucune impatience decélébrité, aucune susceptibilité d’amour-propre, aucune jalousied’auteur. Je n’étais pas auteur, j’étais ce que les modernesappellent un amateur, ce que les anciens appelaient uncurieux de littérature, comme je suppose qu’Horace,Cicéron, Scipion, César lui-même, l’étaient de leur temps. Lapoésie n’était pas mon métier ; c’était un accident, uneaventure heureuse, une bonne fortune dans ma vie. J’aspirais à toutautre chose, je me destinais à d’autres travaux. Chanter n’est pasvivre : c’est se délasser ou se consoler par sa propre voix.Heureux temps ! bien des jours et bien des événements m’enséparent.

Et aujourd’hui je reçois continuellement deslettres d’inconnus qui ne cessent de me dire : « Pourquoine chantez-vous plus ? Nous écoutons encore. » Ces amisinvisibles de mes vers ne se sont donc jamais rendu compte de lanature de mon faible talent et de la nature de la poésieelle-même ? Ils croient apparemment que le cœur humain est unelyre toujours montée et toujours complète, que l’on peut interrogerdu doigt à chaque heure de la vie, et dont aucune corde ne sedétend, ne s’assourdit ou ne se brise avec les années et sous lesvicissitudes de l’âme ? Cela peut être vrai pour des poëtessouverains, infatigables, immortels ou toujours rajeunis par leurgénie, comme Homère, Virgile, Racine, Voltaire, Dante, Pétrarque,Byron, et d’autres que je nommerais s’ils n’étaient pas mes émuleset mes contemporains. Ces hommes exceptionnels ne sont que pensée,cette pensée n’est en eux que poésie, leur existence tout entièren’est qu’un développement continu et progressif de ce don del’enthousiasme poétique, que la nature a allumé en eux en lesfaisant naître, qu’ils respirent avec l’air, et qui ne s’évaporequ’avec leur dernier soupir. Quant à moi, je n’ai pas été douéainsi. La poésie ne m’a jamais possédé tout entier. Je ne lui aidonné dans mon âme et dans ma vie seulement que la place quel’homme donne au chant dans sa journée : des moments le matin,des moments le soir, avant et après le travail sérieux etquotidien. Le rossignol lui-même, ce chant de la nature incarnédans les bois, ne se fait entendre qu’à ces deux heures du soleilqui se lève et du soleil qui se couche, et encore dans une seulesaison de l’année. La vie est la vie, elle n’est pas un hymne dejoie ou un hymne de tristesse perpétuel. L’homme qui chanteraittoujours ne serait pas un homme, ce serait une voix.

L’idéal d’une vie humaine à toujours été pourmoi celui-ci : la poésie de l’amour et du bonheur aucommencement de la vie ; le travail, la guerre, la politique,la philosophie, toute la partie active qui demande la lutte, lasueur, le sang, le courage, le dévouement, au milieu ; etenfin le soir, quand le jour baisse, quand le bruit s’éteint, quandles ombres descendent, quand le repos approche, quand la tâche estfaite, une seconde poésie ; mais la poésie religieuse alors,la poésie qui se détache entièrement de la terre et qui aspireuniquement à Dieu, comme le chant de l’alouette au-dessus desnuages. Je ne comprends donc le poëte que sous deux âges et sousdeux formes : à vingt ans, sous la forme d’un beau jeune hommequi aime, qui rêve, qui pleure en attendant la vie active ; àquatre-vingts ans, sous la forme d’un vieillard qui se repose de lavie, assis à ses derniers soleils contre le mur du temple, et quienvoie devant lui au Dieu de son espérance ses extases derésignation, de confiance et d’adoration, dont ses longs jours ontfait déborder ses lèvres. Ainsi fut David, le plus lyrique, le pluspieux et le plus pathétique à la fois des hommes qui chantèrentleur propre cœur ici-bas. D’abord une harpe à la main, puis uneépée et un sceptre, puis une lyre sacrée ; poëte au printempsde ses années, guerrier et roi au milieu, prophète à la fin, voilàl’homme d’inspiration complet ! Cette poésie des derniersjours, pour en être plus grave, n’en est pas moins céleste :au contraire, elle se purifie et se divinise en remontant au seulêtre qui mérite d’être éternellement contemplé et chanté, l’Êtreinfini ! C’est encore la sève du cœur de l’homme, formée delarmes, d’amour, de délires, de tristesses ou de voluptés ;mais ce cœur, mûri par les longs soleils de la vie, n’en est pasmoins savoureux : il est comme l’arbre d’encens que j’ai vudans les sables de la Judée, dont la sève en vieillissant devientparfum, et qui passe des jardins, où on le cueillait à l’ombre, surl’autel, où on le brûle à la gloire de Jéhovah.

Une naïve et touchante image de ces deuxnatures de poésie et des deux autres natures de sons que rend l’âmedu poëte aux différents âges, me revient de loin à la mémoire aumoment où j’écris ces lignes.

Quand nous étions enfants, nous nous amusionsquelquefois, mes petites sœurs et moi, à un jeu que nous appelionsla musique des anges. Ce jeu consistait à plier unebaguette d’osier en demi-cercle ou en arc à angle très aigu, à enrapprocher les extrémités par un fil semblable à la corde surlaquelle on ajuste la flèche, à nouer ensuite des cheveux d’inégalegrandeur aux deux côtés de l’arc, comme sont disposées les fibresd’une harpe, et à exposer cette petite harpe au vent. Le ventd’été, qui dort et qui respire alternativement d’une haleine folle,faisait frissonner le réseau, et en tirait des sons d’une ténuitépresque imperceptible, comme il en tire des feuilles dentelées dessapins. Nous prêtions tour à tour l’oreille, et nous nousimaginions que c’étaient les esprits célestes qui chantaient. Nousnous servions habituellement, pour ce jeu, des longs cheveux fins,jeunes, blonds et soyeux coupés aux tresses pendantes de messœurs ; mais un jour nous voulûmes éprouver si les angesjoueraient les mêmes mélodies sur des cordes d’un autre âge,empruntées à un autre front. Une bonne tante de mon père, quivivait à la maison, et dont les cachots de la Terreur avaientblanchi la belle tête avant l’âge, surveillait nos jeux entravaillant de l’aiguille, à côté de nous, dans le jardin. Elle seprêta à notre enfantillage, et coupa avec ses ciseaux une longuemèche de ses cheveux, qu’elle nous livra. Nous en fîmes aussitôtune seconde harpe, et, la plaçant à côté de la première, nous lesécoutâmes toutes deux chanter. Or, soit que les fils fussent mieuxtendus, soit qu’ils fussent d’une nature plus élastique et plusplaintive, soit que le vent soufflât plus doux et plus fort dansl’une des petites harpes que dans l’autre, nous trouvâmes que lesesprits de l’air chantaient plus tristement et plus harmonieusementdans les cheveux blancs que dans les cheveux blondsd’enfants ; et, depuis ce jour, nous importunions souventnotre tante pour qu’elle nous laissât dépouiller par nos mains sonbeau front.

Ces deux harpes dont les cordes rendent dessons différents selon l’âge de leurs fibres, mais aussi mélodieux àtravers le réseau blanc qu’à travers le réseau blond de ces cordesvivantes, ces deux harpes ne sont-elles pas l’image puérile, maisexacte, des deux poésies appropriées aux deux âges del’homme ? Songe et joie dans la jeunesse ; hymne et piétédans les dernières années ? Un salut et un adieu à l’existenceet à la nature, mais un adieu qui est un salut aussi ! unsalut plus enthousiaste, plus solennel et plus saint à la vision deDieu qui se lève tard, mais qui se lève plus visible sur l’horizondu soir de la vie humaine !

Je ne sais pas ce que la Providence me réservede sort et de jours. Je suis dans le tourbillon au plus fort ducourant du fleuve, dans la poussière des vagues soulevées par levent, à ce milieu de la traversée où l’on ne voit plus le bord dela vie d’où l’on est parti, où l’on ne voit pas encore le bord oùl’on doit aborder, si on aborde ; tout est dans la main deCelui qui dirige les atomes comme les globes dans leur rotation, etqui a compté d’avance les palpitations du cœur du moucheron et del’homme comme les circonvolutions des soleils. Tout est bien ettout est béni de ce qu’il aura voulu. Mais si, après les sueurs,les labeurs, les agitations et les lassitudes de la journéehumaine, la volonté de Dieu me destinait un long soir, d’inaction,de repos, de sérénité avant la nuit, je sens que je redeviendraisvolontiers à la fin de mes jours ce que je fus aucommencement : un poëte, un adorateur, un chantre de sacréation. Seulement, au lieu de chanter pour moi-même ou pour leshommes, je chanterai pour lui ; mes hymnes ne contiendraientque le nom éternel et infini, et mes vers, au lieu d’être desretours sur moi-même, des plaintes ou des délires personnels,seraient une note sacrée de ce cantique incessant et universel quetoute créature doit chanter, du cœur ou de la voix, en naissant, envivant, en passant, en mourant, devant son Créateur.

LAMARTINE.

2 juillet 1849.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer