Rocambole – En prison

Chapitre 15

 

 

Marmouset ainsi déguisé ne s’amusa point àrallumer le feu que l’invalide véritable entretenait toute la nuitfort consciencieusement.

Au lieu de demeurer en bas, dans le chantier,il monta dans la maison en construction, se coucha sur le plancher,en face de la croisée de miss Ellen et attendit.

Marmouset faisait un calcul assezjuste :

– Évidemment, les hommes ou l’homme quiavaient jeté le maçon en bas, ne manqueraient pas, en admettantqu’ils eussent quitté la maison, d’y revenir.

Marmouset voulait les voir.

La nuit était sombre, et par conséquent, outrequ’il ne serait pas aperçu, lui, il avait la chance de les voirs’ils pénétraient dans la chambre avec une lumière.

Cependant Marmouset attendit longtemps.

Ce ne fut que vers quatre heures du matinqu’il entendit d’abord un petit bruit.

On venait d’ouvrir la croisée.

En même temps, un homme se pencha en dehors,regarda, prêta l’oreille et finit par se retourner vers une autrepersonne qui se trouvait derrière lui.

Bien qu’il parlât à voix basse, Marmouset, quiavait l’oreille fine, entendit ces mots prononcés en anglais.

– Personne ! l’invalide s’en estallé.

– Et le maçon ? demanda une autrevoix.

– On l’a emporté.

– Pensez-vous qu’il n’ait riendit ?

– Certainement non. On aura mis sa chutesur le compte d’un accident.

– C’est égal, reprit la deuxième voix,nous ferons bien de quitter la maison.

– Nous n’avons plus rien à y faire,puisque l’oiseau est en cage, mais je ne crains rien ;d’ailleurs, si j’étais obligé de dire la vérité, je le dirais aupréfet de police qui, du reste, m’a donné des pouvoirs étendus.

– Bon ! pensa Marmouset, qui neperdait pas un mot de cette conversation, il fait bon de savoirl’anglais, et je sais maintenant, à qui j’ai affaire. Ces messieurssont des détectives de Londres et ils ont mission deramener la demoiselle.

– Je voudrais bien les voir en pleinjour, et s’ils voulaient me faire plaisir, ils allumeraient unelampe.

Mais sir James Wood et son compagnon, carc’étaient eux, ne donnèrent point cette satisfaction àMarmouset ; ils disparurent de la fenêtre, qu’ils refermèrent,et tout rentra dans le silence.

Marmouset attendit encore.

Quand les premières clartés du jourpénétrèrent au travers du brouillard jaunâtre qui pesait sur Paris,Marmouset quitta son poste d’observation, redescendit dans lechantier et ralluma le feu.

Puis, retrouvant dans la poche de la capote del’invalide sa pipe et son tabac, il se mit à fumer.

Les ouvriers n’arrivaient qu’à septheures.

De temps en temps Marmouset levait la têtevers la maison mystérieuse ; mais la croisée demeuraitclose.

À travers la palissade de planches, son regardpénétrait dans la rue Louis-le-Grand et il surveillait la porte dela maison.

Personne ne sortait.

Enfin cette porte s’ouvrit, et Marmouset vitapparaître le portier, un balai sur l’épaule.

Le portier donna deux coups de balai sur letrottoir, puis il traversa la rue et entra dans le cabaret dont leLimousin avait parlé à l’invalide.

Alors Marmouset quitta son poste. Il sortit duchantier, traversa la rue à son tour et entra dans le cabaret endisant :

– Brrr ! il ne fait pas chaud cematin. Donnez-moi une goutte de mêlé, patron.

Le portier, qui était déjà accoudé sur lecomptoir, leva la tête et regarda le prétendu invalide :

– Tiens ! dit-il, ce n’est plus lemême.

– Qu’est-ce qu’il y a pour votre service,mon brave ? demanda Marmouset.

– Vous êtes l’invalide duchantier ?

– Oui.

– Mais vous n’êtes pas celuid’avant-hier ?

– Non. J’ai remplacé mon camarade hiersoir.

Parce qu’il était malade.

– Alors c’est vous qui avez passé lanuit ?

– Oui.

– On a fait un joli sabbat dans votrechantier : c’était pire que dans ma maison.

Marmouset ne sourcilla pas.

– Qu’est-ce qu’il s’est donc passé ?demanda le portier, qui était loquace au dernier point.

– C’est un maçon qui s’était endormi dansle bâtiment et qui est tombé du troisième étage.

– C’est donc ça que j’ai entenducrier.

– Oui.

– Est-ce qu’il s’est tué ?

– À peu près ; il n’est pas encoremort, mais il n’en vaut guère mieux.

– Quand j’ai entendu tout ce vacarme,poursuivit le portier, j’ai voulu me lever, mais ma femme m’en aempêché.

– Vous avez été réveillé ensursaut ?

– Oh ! non, nous ne dormions pas,nous avons des meublés dans la maison, et pour le quartd’heure, des locataires qui nous scient joliment.

– Bah ! fit Marmouset.

– Deux Anglais et une jeune fille.

– Une Anglaise !

– Oui.

– Ils rentrent tard ?

– À toute heure de la nuit. Par exemple,hier soir, la jeune fille n’est pas rentrée.

– Oh ! oh !

– À trois heures, elle est montée envoiture avec les deux Anglais pour aller au bois.

– Et elle n’est pas revenue ?

– Non.

– Ni les Anglais ?

– Pardon ; ils sont revenus tous lesdeux.

– Ah !

– Et même je crois qu’ils ont passé lanuit à faire leurs paquets, car ce matin je leur ai tiré le cordonavant le jour.

– Alors ils sont partis ?

– Oui.

Marmouset savait ce qu’il voulait savoir.

Miss Ellen avait disparu et les deux Anglaisaussi.

Comment les retrouver ?

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