Rocambole – En prison

Chapitre 44

 

 

Marmousetreconduisit miss Ellen.

Puis il revint dans Old Bailey.

Milon était fort anxieux, car il n’avait pasvu Marmouset depuis la veille, c’est-à-dire depuis que celui-ciavait pu causer avec Rocambole et prendre ses ordres.

Marmouset lui dit :

– Nous n’avons pas le temps de flânermaintenant, il faut agir et promptement.

– Je crois que les fénians se remuentdepuis quelques heures, répondit Milon.

– Ah !

– Cette nuit, à plusieurs reprises, j’aivu des Irlandais en haillons rôder autour de Newgate.

– Eh bien ! dit Marmouset, s’ilsveulent sauver l’homme gris, qu’ils le sauvent tout de suite.

– Pourquoi ?

– Mais parce que nous le sauverons lanuit prochaine et malgré lui.

– Comment, malgré lui ?

– Oui ! fit Marmouset avec unsourire. Le maître a une toquade, il veut que les fénians aient labosse de la reconnaissance. Il veut être sauvé par eux.

– Tonnerre ! dit Milon en serrantses poings, que veut-il donc que nous soyons venus faire à Londres,alors ?

– Tu sais qu’on le juge demain !

Milon frissonna.

– Mais demain nous serons en route pourla France, ajouta Marmouset. As-tu vu le capitaine dusteamer ?

– Oui ! il est tout prêt.

– Tu le reverras ce soir, entre quatre etcinq heures et tu l’avertiras qu’une jeune dame se présentera à sonbord.

– Miss Ellen ?

– Naturellement.

– À quelle heure !

– À minuit. Et à partir de ce moment, ildevra se tenir sous petite vapeur auprès de Temple-Bar et tout prêtà partir aussitôt que nous serons embarqués.

– Mais, dit Milon, êtes-vous bien sûr,maintenant que nous pourrons réussir cette nuit ?

– Incontestablement. Descendons dans lesouterrain et emmenons avec nous William qui est fort comme unTurc.

– Allons, dit Milon, qui alluma lalanterne.

Les autres compagnons de Marmouset, bienqu’ils n’eussent pas entendu les paroles qu’il échangeait à voixbasse avec Milon, comprenaient que l’heure était solennelle, etaucun d’eux ne fit la moindre question.

Milon fit un signe au matelot William.

William le suivit sans objection.

Quand ils furent dans la cave, Marmouset yprit un marteau.

Puis ils continuèrent leur chemin à travers cesouterrain qu’ils avaient si péniblement déblayé la veille etl’avant-veille, et ils arrivèrent ainsi jusqu’à cette dernièreporte de fer derrière laquelle Polyte avait entendu fortdistinctement les trois coups frappés par Marmouset.

Alors Marmouset prit le marteau, et enquelques coups il eut ouvert la porte.

Alors apparut le mur de brique, et dans ce murle trou que sir Robert M… avait ménagé pour que, du fond del’oubliette, on pût, une lampe à la main, admirer le travail decette porte qu’il n’avait jamais pu ouvrir.

– Tu n’es pas un maçon pour rien, ditalors Marmouset à Milon. Que penses-tu de ce mur ?

– D’abord, qu’il est très mince.

– Et qu’on peut le démolirfacilement ?

– Il n’y a pas besoin de le démolir. Vousallez voir…

Et Milon donna un coup d’épaule dans lacloison de brique qui trembla.

– Attends, dit William, je vaist’aider.

Et à son tour il se rua sur la cloison,arc-boutant ses pieds énormes contre les montants en pierre quiencadraient la porte.

Ce fut l’histoire d’une seconde.

Le mur s’écroula. Le chemin de l’oublietteétait ouvert. Marmouset y pénétra encore le premier.

– Regarde bien où nous sommes,dit-il.

– Pardi ! répondit Milon, noussommes dans un puits.

– Mais ce puits a un orifice.

– Cela va sans dire.

– Et il a six mètres de profondeur.

– Bon !

– Il faut donc trouver une échelle de sixmètres.

– L’échelle est facile à trouver, ditMilon, mais… il y a une difficulté, néanmoins.

– Laquelle ?

– Comment la dresser ? Nous n’avonspas assez de place entre cette brèche que nous venons de faire etle pavé du puits.

– J’ai prévu l’objection.

– Ah !

– Et j’ai commandé dans Osborn-street, àun charpentier, une échelle qui se démonte en cinq morceaux.

– C’est différent.

– Tu poses ton premier morceau. Arrivé audernier échelon, tu ajoutes le second tronçon qu’on te passe ;puis le troisième.

– Compris, dit Milon.

– À présent, poursuivit Marmouset, quiparlait en anglais pour être mieux compris de William, écoutez-moibien.

– Parlez, dit Milon.

– Tu iras chercher l’échelle ce soir.

– Bon !

– À onze heures vous descendrez tous ici.Vous serez armés d’un poignard et d’un revolver.

– Et la petite femme ?

– Vous l’amènerez ici, et elleattendra.

L’échelle dressée, tu monteras le premier, etles autres te suivront.

– Fort bien.

– Quand vous serez en haut, vous voustrouverez dans une cave.

Elle est fermée à clef, mais laMort-des-Braves a été serrurier, n’est-ce pas ?

– Oui.

– Il fera sauter la serrure. La porteouverte, vous trouverez un escalier, vous le gravirez et vous voustrouverez dans la cuisine du gouverneur. Vous n’y rencontrerezqu’une servante, renversez-la à terre et bâillonnez-la.

La cuisine est voisine de la salle àmanger ; vous pénétrez dans cette pièce.

– Et puis ?

– Et là vous entendrez un bruit de voix àtravers une porte ; alors vous attendrez.

– Quoi donc ?

– Un signal que je vous donnerai en tempset lieu.

– Et si nous rencontrons d’autrespersonnes que les servantes ?

– S’il le faut, vous tuerez, ditfroidement Marmouset, mais pas avec vos revolvers, avec vospoignards.

– C’est l’arme vraie, dit Milon ; lerevolver est un bavard qui fait souvent plus de bruit que debesogne.

– Vous avez bien compris, n’est-cepas ?

– Parfaitement, dit William.

– Admirablement compris, répétaMilon.

– Eh bien ! dit Marmouset, tu iraschercher l’échelle et tu feras la leçon aux autres.

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