Rocambole – En prison

Chapitre 45

 

 

Miss Ellen n’avait pas revu Marmouset depuisle matin.

Mais, en la quittant, le jeune homme lui avaitdit :

– Je vous répète que nous sauverons lemaître malgré lui, et cela la nuit prochaine.

– Que dois-je donc faire, moi, d’icilà ? avait demandé la jeune fille.

– Attendre.

– J’attendrai.

– Ce soir, vers huit heures, avait ajoutéMarmouset, Milon viendra vous chercher.

– Et je le suivrai ?

– Oui.

– Où me conduira-t-il ?

– À bord d’un steamer qui chauffe sur laTamise.

Miss Ellen avait eu un battement de cœur.

– Et ce steamer, ajouta Marmouset, nousconduira tous en France.

Et miss Ellen avait attendu.

Le soir, en effet, elle avait vu venir Milon àl’heure indiquée.

Milon était joyeux.

– Ah ! miss, lui dit-il, tandis quela jeune fille s’appuyait sur son bras et qu’ils parcouraient lesrues désertes de la Cité, nous n’avons plus besoin des fénians àprésent, et j’en suis joliment content.

– En vérité ! dit-elle.

– J’aurais été un peu humilié que lemaître fût délivré par d’autres que par nous, continua Milon.

– Qui sait ? fit miss Ellen, lesfénians travaillent de leur côté, ce n’est pas douteux… et ilsarriveront peut-être avant nous.

– Oh ! pour ça, non.

– Qu’importe, dit-elle avec un accent dedévouement et d’amour, qu’importe que ce soit vous ou eux, pourvuqu’il soit libre enfin ?

– Nous avons notre petit amour-propre,dit le bon Milon.

Miss Ellen eut un sourire mélancolique.

– Pensez-vous, dit-elle, que je n’ai pasmon orgueil, moi ?

– Cela est certain, miss Ellen.

– Eh bien ! cet orgueil, je vousl’ai sacrifié.

Et comme Milon la regardait avec étonnement,miss Ellen continua :

– Les fénians travaillent à je ne saisquel plan mystérieux ; vous autres, poursuivit miss Ellen,vous avez creusé un souterrain.

Moi seule, je n’ai rien fait encore ;mais que les fénians échouent, que votre plan avorte, et c’est moiqui alors le sauverai.

– Vous ! dit Milon d’un air dedoute.

– Je me nomme miss Ellen Palmure, dit lajeune fille, je suis la fille d’un pair d’Angleterre, et je sauraibien, s’il le faut, aller me jeter aux pieds de la reine et obtenirla grâce de celui a qui j’ai donné ma vie et mon cœur toutentier.

Ses yeux brillaient d’un sombre enthousiasmetandis qu’elle parlait ainsi.

– Mais nous n’aurons pas besoin de cela,dit Milon.

Miss Ellen, je vous le répète, dans quelquesheures le maître sera parmi nous.

– Dieu vous entende ! murmura lajeune fille.

Et ils continuèrent à marcher.

Ils arrivèrent ainsi au bas de Sermon Lane etsuivirent le bord de la Tamise.

Le brouillard avait reconquis son domaine etle fleuve avait disparu sous sa couche épaisse.

Mais on entendait le clapotis des flots quirongeaient, la rive en passant, et un plus loin, la respirationhaletante d’une machine à vapeur.

C’était le steamer qui chauffait.

Milon mit deux doigts sur sa bouche et fitentendra un coup de sifflet.

– Attendons, dit-il.

Peu après, miss Ellen entendit un bruitd’avirons qui battaient l’eau et semblaient s’approcher dubord.

Puis, quelques secondes s’écoulèrent et,perçant le brouillard, une barque vint heurter le bord et fitjaillir un flot d’écume autour d’elle.

Alors Milon dit à l’homme qui se dressa dufond de la barque :

– Viens-tu duShocking !

– Yes ! répondit lematelot.

– Embarquez, miss Ellen, dit Milon.

Et il fit monter la jeune fille dans labarque.

Puis il ajouta :

– C’est Marmouset qui a baptisé lesteamer : il se nomme Shocking. Le capitaine est unami de William. Il nous est dévoué.

Le matelot qui conduisait l’embarcation poussaau large, et miss Ellen vit bientôt le steamer se détacher en noirsur le fond rouge du brouillard.

Dix minutes après, elle était à bord.

– À bientôt, miss Ellen, lui ditMilon ; il est huit heures, à minuit nous serons tousréunis.

Et il redescendit dans la barque et dit aumatelot :

– Mets-moi sous le pont de Waterloo.

La barque remonta la Tamise à force de rameset eut bientôt abordé à l’endroit indiqué par Milon.

Alors celui-ci sauta à terre et remonta versle Strand.

Il appela un cab qui passait à vide, sautadedans et se fit conduire dans Osborn street.

C’était là qu’était le charpentier que luiavait indiqué Marmouset et qui avait construit l’échelle sedémontant en quatre morceaux.

Et une heure après, muni de l’échelle, Milonétait de retour dans Old Bailey.

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