Chapitre 69Second père de la chambre Marneffe
Dix minutes après l’envoi de cette fatale lettre, le baron Hulotvint. Mme Marneffe s’élança, par un mouvement de chatte, au cou duvieillard.
– Hector, tu es père ! lui dit-elle à l’oreille. Voilà ceque c’est que de se brouiller et de se raccommoder…
En voyant un certain étonnement que le baron ne dissimula pasassez promptement, Valérie prit un air froid qui désespéra leconseiller d’Etat. Elle se fit arracher les preuves les plusdécisives, une à une. Lorsque la conviction, que la vanité pritdoucement par la main, fut entrée dans l’esprit du vieillard, ellelui parla de la fureur de M. Marneffe.
– Mon vieux grognard, lui dit-elle, il t’est bien difficile dene pas faire nommer ton éditeur responsable, notre gérant, si tuveux, chef de bureau et officier de la Légion d’honneur, car tul’as ruiné, cet homme ; il adore son Stanislas, ce petitmonstrico qui tient de lui, et que je ne puis souffrir. A moins quetu ne préfères donner une rente de douze cents francs à Stanislas,en nue propriété, bien entendu, l’usufruit en mon nom.
– Mais si je fais des rentes, je préfère que ce soit au nom demon fils, et non au monstrico ! dit le baron.
Cette phrase imprudente, où le mot mon fils passa gros comme unfleuve débordant, fut transformée, au bout d’une heure deconversation, en une promesse formelle de faire douze cents francsde rente à l’enfant à venir. Puis cette promesse fut, sur la langueet la physionomie de Valérie, ce qu’est un tambour entre les mainsd’un marmot, elle devait en jouer pendant vingt jours.