La Cousine Bette

Chapitre 94Théorie des canards

Le lendemain, quelques journaux contenaient, sous des rubriquesdifférentes, ces différents articles :

« M. le baron Hulot d’Ervy vient de demander sa retraite. Lesdésordres de la comptabilité de l’administration algérienne qui ontété signalés par la mort et par la fuite de deux employés ontinflué sur la détermination prise par ce haut fonctionnaire. Enapprenant les fautes commises par des employés en quimalheureusement il avait placé sa confiance, M. le baron Hulot aéprouvé dans le cabinet même du ministre une attaque deparalysie.

M. Hulot d’Ervy, frère du maréchal, compte quarante-cinq ans deservice. Cette résolution, vainement combattue, a été vue avecregret par tous ceux qui connaissent M. Hulot, dont les qualitésprivées égalent les talents administratifs. Personne n’a oublié ledévouement de l’ordonnateur en chef de la garde impériale àVarsovie, ni l’activité merveilleuse avec laquelle il a suorganiser les différents services de l’armée improvisée en 1815 parNapoléon.

C’est encore une des gloires de l’époque impériale qui vaquitter la scène. Depuis 1830, M. le baron Hulot n’a cessé d’êtreune des lumières nécessaires au conseil d’Etat et au ministère dela guerre. »

« Alger. – L’affaire dite des fourrages, à laquelle quelquesjournaux ont donné des proportions ridicules, est terminée par lamort du principal coupable. Le sieur Johann Wisch s’est tué dans saprison, et son complice est en fuite ; mais il sera jugé parcontumace.

Wisch, ancien fournisseur des armées, était un honnête homme,très estimé, qui n’a pas supporté l’idée d’avoir été la dupe dusieur Chardin, le garde-magasin en fuite. »

Et aux faits-Paris, on lisait ceci :

« M. le maréchal ministre de la guerre, pour éviter à l’avenirtout désordre, a résolu de créer un bureau des subsistances enAfrique. On désigne un chef de bureau, M. Marneffe, comme devantêtre chargé de cette organisation. »

« La succession du baron Hulot excite toutes les ambitions. Cettedirection est, dit-on, promise à M. le comte Martial de laRoche-Hugon, député, beau-frère de M. le comte de Rastignac. M.Massol, maître des requêtes, serait nommé conseiller d’Etat, et M.Claude Vignon maître des requêtes. »

De toutes les espèces de canards, la plus dangereuse pour lesjournaux de l’opposition, c’est le canard officiel. Quelque rusésque soient les journalistes, ils sont parfois les dupes,volontaires ou involontaires, de l’habileté de ceux d’entre euxqui, de la presse, ont passé, comme Claude Vignon, dans les hautesrégions du pouvoir. Le journal ne peut être vaincu que par lejournaliste. Aussi doit-on se dire, en travestissant Voltaire :

Le fait-Paris n’est pas ce qu’un vain peuple pense.

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