XXIX
Le soir, Rarahu et moi, nous étions assis sousla véranda de notre case ; on entendait partout dans l’herbeles bruits de cigales des soirs d’été. – Les branches nonémondées des orangers et des hibiscus donnaient à notre demeure unair d’abandon et de ruine ; nous étions à moitié cachés sousleurs masses capricieuses et touffues.
– Rarahu, disais-je, ne veux-tu pluscroire au Dieu de ton enfance, qu’autrefois tu savais prier avecamour ?
– Quand l’homme est mort, réponditlentement Rarahu, et enfoui sous la terre, quelqu’un pourrait-ill’en faire sortir ?
– Pourtant, dis-je encore, en merattachant à certaines croyances sombres qu’elle n’avait pasperdues, – pourtant tu as peur des fantômes ; tu saisbien qu’à cette heure même, autour de nous, dans ces arbres,peut-être il y en a…
– Ah ! oui, dit-elle avec unfrisson, – après, il y a peut-être le Toupapahou ;après la mort, il y a le fantôme qui, quelque temps, paraît encore,et rôde incertain dans les bois ; – mais je pense quele Toupapahou s’éteint aussi, quand, à la longue, il n’a plus deforme sous la terre, – et qu’alors c’est la fin…
Je n’oublierai jamais cette voix fraîched’enfant, prononçant dans sa langue douce et singulière d’aussisombres choses…