XXVI
PERSISTANCE DU NUAGE
… Quand j’arrivai au ruisseau d’Apiré, à notresalle de bain particulière sous les goyaviers, il était troisheures de l’après-midi, heure inusitée.
J’étais venu sans bruit… J’écartai lesbranches et je regardai…
La stupeur me cloua sur place…
Une chose horrible était là dans ce lieu, quenous considérions comme appartenant à nous seuls : un vieuxChinois tout nu, lavant dans notre eau limpide son vilain corpsjaune…
Il semblait chez lui et ne se dérangeaitnullement… Il avait relevé sa longue queue de cheveux gris nattés,et l’avait roulée en manière de chignon de femme sur la pointe deson crâne chauve… Complaisamment il lavait dans notre ruisseau sesmembres osseux qui semblaient enduits de safran, – et lesoleil l’éclairait tout de même, de sa lueur discrètement voiléepar la verdure, – et l’eau fraîche et claire bruissaittout de même autour de lui, – avec autant de naturel et degaîté qu’elle eût pu le faire pour nous…