XXIII
… Elles étaient à Papeete deux élégantespersonnes, Rarahu et son amie Téourahi, – qui donnaient leton aux jeunes femmes pour certaines couleurs nouvelles d’étoffes,certaines fleurs ou certaines coiffures.
Elles allaient généralement pieds nus, lespauvres petites, et leur luxe, qui consistait surtout en couronnesde roses naturelles, était un luxe bien modeste. Mais le charme etla jeunesse de leurs figures, la perfection et la grâce antique deleurs tailles, leur permettaient encore, avec de si simples moyens,d’avoir l’air parées et d’être ravissantes.
Elles couraient souvent en mer, sur une mincepirogue à balancier qu’elles menaient elles-mêmes, et aimaient àvenir en riant passer à poupe du Rendeer.
Quand elles naviguaient à la voile, leur frêleembarcation, couchée par le vent alizé, prenait des vitessessurprenantes, – et alors, debout toutes deux, le regardanimé, les cheveux flottants, elles glissaient sur l’eau comme desvisions. – Elles savaient, par des flexions habiles deleur corps, maintenir l’équilibre de cette flèche qui les emportaitsi vite, en laissant derrière elles une longue traînée d’écumeblanche…