XV
Depuis longtemps je pouvais couramment parlerle tahitien de la plage qui est au tahitien pur ce que lepetit-nègre est au français ; – mais jecommençais aussi à m’exprimer sans embarras au moyen des motscorrects et des tournures bizarres d’autrefois, et Pomaréconsentait à tenir de longues conversations avec moi. J’avais deuxpersonnes à m’aider dans l’étude de cette langue qui bientôt ne separlera plus : Rarahu et la reine.
La reine, pendant nos longues partiesd’écarté, me reprenait avec intérêt, charmée de me voir étudier etaimer cette langue destinée à disparaître.
Je trouvais plaisir à l’interroger sur leslégendes, les coutumes et les traditions du passé… Elle parlaitlentement, d’une voix basse et rauque ; je recueillais de sabouche d’étranges récits sur les temps anciens, sur ces tempsmystérieux et oubliés que les Maoris appellent : lanuit.
Le mot po, en tahitien, désigne enmême temps la nuit, l’obscurité et les époques légendaires dont lesvieillards ne se souviennent plus.