III
HORS-D’OEUVRE CHINOIS
Un souvenir saugrenu, qui n’a rien de communavec ce qui précède, encore moins avec ce qui va suivre, –qui n’a avec cette histoire qu’un simple lien chronologique, unrapport de dates :
La scène se passait à minuit, – enmai 1873, – dans un théâtre du quartier chinois deSan-Francisco de Californie.
Vêtus de costumes de circonstance, William etmoi, nous avions gravement pris place au parterre. Acteurs,spectateurs, machinistes, – tout le monde était chinois,excepté nous.
On était à un moment pathétique d’un granddrame lyrique que nous ne comprenions point. Les dames des galeriescachaient derrière leurs éventails leurs tout petits yeuxretroussés en amande, et minaudaient sous le coup de leur émotioncomme des figurines de potiches. Les artistes, revêtus de costumesde l’époque des dynasties éteintes, poussaient des hurlementssurprenants, inimaginables, avec des voix de chats degouttières ; – l’orchestre, composé de gongs et deguitares, faisait entendre des sons extravagants, des accordsinouïs.
Effet de nuit. Les lumières étaient baissées.– Devant nous, le public du parterre, – unalignement de têtes rasées, ornées d’impayables queues queterminaient des tresses de soie.
Il nous vint une idée satanique, –dont l’exécution rapide fut favorisée par la disposition dessièges, l’obscurité, la tension des esprits : attacher lesqueues deux à deux, et déguerpir…
O Confucius !…