XL
On était charmé quand Rarahu chantait…
Quand elle chantait seule, elle avait dans lavoix des notes si fraîches et si douces, que les oiseaux seuls oules petits enfants en peuvent produire de semblables.
Quand elle chantait en parties, elle brodait,par-dessus le chant des autres, des variations extravagantes,prises dans les notes les plus élevées de la gamme, – trèscompliquées toujours et admirablement justes…
Il y avait à Apiré, comme dans tous lesdistricts tahitiens, un chœur appelé himéné, lequelfonctionnait régulièrement sous la conduite d’un chef, et sefaisait entendre dans toutes les fêtes indigènes. –Rarahuen était un des principaux sujets, et le dominait tout entier de savoix pure ; – le chœur qui l’accompagnait étaitrauque et sombre ; les hommes surtout y mêlaient des sons baset métalliques, sortes de rugissements qui marquaient lesdominantes et semblaient plutôt les sons de quelqueinstrument sauvage que ceux de la voix humaine. –L’ensemble avait une précision à dépiter les choristes duConservatoire, et produisait le soir dans les bois des impressionsqui ne se peuvent décrire…