XLIII
… Rarahu ne connaissait pas du tout le dieuTaaroa, non plus que les nombreuses déesses de sasuite ; elle n’avait même jamais entendu parler d’aucun de cespersonnages de la mythologie polynésienne. La reine Pomaré seule,par respect pour les traditions de son pays, avait appris les nomsde ces divinités d’autrefois et conservait dans sa mémoire lesétranges légendes des anciens temps…
… Mais tous ces mots bizarres de la languepolynésienne qui m’avaient frappé, tous ces mots au sens vague oumystique, sans équivalents dans nos langues d’Europe, étaientfamiliers à Rarahu qui les employait ou me les expliquait avec unerare et singulière poésie.
– Si tu restais plus souvent à Apiréla nuit, me disait-elle, tu apprendrais avec moi beaucoup plus viteune foule de mots que ces filles qui vivent à Papeete ne saventpas… Quand nous aurons eu peur ensemble, je t’enseignerai,en ce qui concerne les Toupapahous, des choses très effrayantes quetu ignores…
En effet, il est dans la langue maoriebeaucoup de mots et d’images qui ne deviennent intelligibles qu’àla longue, quand on a vécu avec les indigènes, la nuit dans lesbois, écoutant gémir le vent et la mer, l’oreille tendue à tous lesbruits mystérieux de la nature.