XXIX
Après la cérémonie, nous passâmes dans lasalle du banquet. C’était en plein air, au milieu des cocotiers,que les tables étaient dressées sous des tendelets de verdure.
Les tables pouvaient contenir cinq ou sixcents personnes ; les nappes étaient couvertes de feuillesdécoupées et de fleurs d’amarantes. Il y avait une grande quantitéde pièces montées, composées par des Chinois au moyen detroncs de bananiers et de diverses plantes extraordinaires. A côtédes mets européens, se trouvaient en grande abondance les metstahitiens : les pâtes de fruits, les petits cochons rôtis toutentiers sous l’herbe, et les plats de chevrettes fermentées dans dulait. On puisait différentes sauces dans de grandes pirogues qui enétaient remplies et que des porteurs avaient grand’peine à promenerà la ronde. Les chefs et les cheffesses venaient à tour de rôleharanguer la reine à tue-tête, avec des voix si retentissantes etune telle volubilité qu’on les eût crus possédés. Ceux quin’avaient point trouvé de place à table mangeaient debout, surl’épaule de ceux qui avaient pu s’asseoir ; c’était un vacarmeet une confusion indescriptibles…
Assis à la table des princesses, j’avaisaffecté de ne point prendre garde à Rarahu, qui était perdue fortloin de moi, parmi les gens d’Apiré.