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… Non, ceux-là qui ont vécu là-bas, au milieudes filles à demi civilisées de Papeete, – qui ont apprisavec elles le tahitien facile et bâtard de la plage et les mœurs dela ville colonisée, – qui ne voient dans Tahiti qu’une îleoù tout est fait pour le plaisir des sens et la satisfaction desappétits matériels, – ceux-là ne comprennent rien aucharme de ce pays…
Ceux encore, – les plus nombreux sanscontredit, –qui jettent sur Tahiti un regard plus honnêteet plus artiste, – qui y voient une terre d’éternelprintemps, toujours riante, poétique, – pays de fleurs etde belles jeunes femmes, – ceux-là encore ne comprennentpas… Le charme de ce pays est ailleurs, et n’est pas saisissablepour tous…
Allez loin de Papeete, là où la civilisationn’est pas venue, là où se retrouvent sous les minces cocotiers,– au bord des plages de corail, – devantl’immense Océan désert, – les districts tahitiens, lesvillages aux toits de pandanus. – Voyez ces peupladesimmobiles et rêveuses ; – voyez au pied des grandsarbres ces groupes silencieux, indolents et oisifs, qui semblent nevivre que par le sentiment de la contemplation… Écoutez le grandcalme de cette nature, le bruissement monotone et éternel desbrisants de corail ; – regardez ces sites grandioses,ces mornes de basalte, ces forêts suspendues aux montagnes sombres,et tout cela, perdu au milieu de cette solitude majestueuse et sansbornes : le Pacifique…
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