Le Mariage de Loti

VI

La cour de Pomaré s’était parée pour unedemi-réception, le jour où je mis pour la première fois le pied surle sol tahitien. – L’amiral anglais du Rendeervenait faire sa visite d’arrivée à la souveraine (une vieilleconnaissance à lui) – et j’étais allé, en grande tenue deservice, accompagner l’amiral.

L’épaisse verdure tamisait les rayons del’ardent soleil de deux heures ; tout était tranquille etdésert dans les avenues ombreuses dont l’ensemble forme Papeete, laville de la reine. – Les cases à vérandas, disséminéesdans les jardins, sous les grands arbres, sous les grandes plantestropicales, – semblaient, comme leurs habitants, plongéesdans le voluptueux assoupissement de la sieste. – Lesabords de la demeure royale étaient aussi solitaires, aussipaisibles…

Un des fils de la reine, – sorte decolosse basané qui vint en habit noir à notre rencontre, nousintroduisit dans un salon aux volets baissés, où une douzaine defemmes étaient assises, immobiles et silencieuses…

Au milieu de cet appartement, deux grandsfauteuils dorés étaient placés côte à côte. – Pomaré, quien occupait un, invita l’amiral à s’asseoir dans le second, tandisqu’un interprète échangeait entre ces deux anciens amis descompliments officiels.

Cette femme, dont le nom était mêlé jadis auxrêves exotiques de mon enfance, m’apparaissait vêtue d’un longfourreau de soie rose, sous les traits d’une vieille créature auteint cuivré, à la tête impérieuse et dure. – Dans samassive laideur de vieille femme, on pouvait démêler encore quelsavaient pu être les attraits et le prestige de sa jeunesse, dontles navigateurs d’autrefois nous ont transmis l’originalsouvenir.

Les femmes de sa suite avaient, dans cettepénombre d’un appartement fermé, dans ce calme silence du jourtropical, un charme indéfinissable. – Elles étaient bellespresque toutes de la beauté tahitienne : des yeux noirs,chargés de langueur, et le teint ambré des gitanos. –Leurs cheveux dénoués étaient mêlés de fleurs naturelles et leursrobes de gaze traînantes, libres à la taille, tombaient autourd’elles en longs plis flottants.

C’était sur la princesse Ariitéa surtout, ques’arrêtaient involontairement mes regards. Ariitéa à la figuredouce, réfléchie, rêveuse, avec de pâles roses du Bengale, piquéesau hasard dans ses cheveux noirs…

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer