XIV
Rarahu possédait deux robes de mousseline,l’une blanche, l’autre rose, qu’elle mettait alternativement ledimanche par-dessus son pareo bleu et jaune, pour aller autemple des missionnaires protestants, à Papeete. Ces jours-là, sescheveux étaient séparés en deux longues nattes noires trèsépaisses ; de plus, elle piquait au-dessus de l’oreille (àl’endroit où les vieux greffiers mettent leur plume) une largefleur d’hibiscus, dont le rouge ardent donnait une pâleurtransparente à sa joue cuivrée.
Elle restait peu de temps à Papeete après leservice religieux, évitant la société des jeunes femmes, leséchoppes des Chinois marchands de thé, de gâteau et de bière. Elleétait très sage, et en donnant la main à Tiahoui, elle rentrait àApiré pour se déshabiller.
Un petit sourire contenu, une petite mouediscrète, étaient les seuls signes d’intelligence que m’envoyaientles deux petites filles, quand par hasard nous nous rencontrionsdans les avenues de Papeete…