XVIII
Le prince Tamatoa était assis près de moi sousla véranda du palais. C’était un peu avant les scènes atroces quile firent enfermer de nouveau dans la prison de Taravao. Il tenaitsur ses genoux sa pâle petite fille, Pomaré V, qu’il caressaitdoucement dans ses larges mains terribles. Et la vieille reine lesconsidérait tous deux, avec une expression de tendresse infinie etd’inexprimable tristesse.
La petite princesse était fort tristeaussi ; elle tenait à la main un oiseau mort, et contemplaitune cage vide avec des yeux pleins de larmes.
C’était un oiseau chanteur, bête peu connue àTahiti, rareté qu’on lui avait rapportée d’Amérique, et dont lapossession lui avait causé une joie très grande.
– Loti, dit-elle, l’amiral àcheveux blancs nous a prévenus que ton navire irait bientôt àla terre de Californie (i te fenua California).
Quand tu reviendras de là-bas, je veux que tum’apportes une très grande quantité d’oiseaux, une cage entièrementpleine : et je les ferai s’envoler dans les bois de Fataouaafin qu’il y ait, quand je serai grande, dans notre pays comme dansles autres, des oiseaux qui chantent…