Le Mariage de Loti

Le Mariage de Loti

de Pierre Loti

« E hari tefau.

E toro te faaro

E no tetaata. »

 

Le palmiercroîtra,

Le corails’étendra,

Mais l’hommepérira.

 

(Vieux dicton de la Polynésie)

 

À Madame Sarah Bernhardt

 

Juin 1878.

 

Madame,

À vous qui brillez tout en haut, l’auteur très obscur d’Aziyadé dédie humblement ce récit sauvage.

Il lui semble que votre nom laissera tomber sur ce livre un peu de son grand charme poétique.

L’auteur était bien jeune lorsqu’il a écrit ce livre ; il le met à vos pieds, Madame, en vous demandant beaucoup, beaucoup d’indulgence.

PREMIÈRE PARTIE

I

PAR PLUMKET, AMI DE LOTI

 

Loti fut baptisé le 25 janvier 1872, à l’âge de vingt-deux ans et onze jours.

Lorsque la chose eut lieu, il était environ une heure de l’après-midi, à Londres et à Paris.

Il était à peu près minuit, en dessous, sur l’autre face de la boule terrestre, dans les jardins de feue la reine Pomaré, où la scène se passait.

En Europe, c’était une froide et triste journée d’hiver. En dessous dans les jardins de la reine, c’était le calme, l’énervante langueur d’une nuit d’été.

Cinq personnes assistaient à ce baptême de Loti, au milieu des mimosas et des orangers, dans une atmosphère chaude et parfumée, sous un ciel tout constellé d’étoiles australes.

C’étaient : Ariitéa, princesse du sang,Faïmana et Téria, suivantes de la reine, Plumket et Loti,midshipmen de la marine de S.M. Britannique.

Loti, qui, jusqu’à ce jour, s’était appelé Harry Grant, conserva ce nom, tant sur les registres de l’état civil que sur les rôles de la marine royale, mais l’appellation de Loti fut généralement adoptée par ses amis.

La cérémonie fut simple ; elle s’acheva sans longs discours, ni grand appareil.

Les trois Tahitiennes étaient couronnées de fleurs naturelles, et vêtues de tuniques de mousseline rose, à traînes. Après avoir inutilement essayé de prononcer les noms barbares d’Harry Grant et de Plumket, dont les sons durs révoltaient leurs gosiers maoris, elles décidèrent de les désigner par les mots Rémuna et Loti, qui sont deux noms de fleurs.

Toute la cour eut le lendemain communicationde cette décision, et Harry Grant n’exista plus enOcéanie, non plus que Plumket son ami.

Il fut convenu en outre que les premièresnotes de la chanson indigène : « Loti taïmané,etc… » chantées discrètement la nuit aux abords du palais,signifieraient : « Rémuna est là, ou Loti, ou tous deuxensemble ; ils prient leurs amies de se rendre à leur appel,ou tout au moins de venir sans bruit leur ouvrir la porte desjardins… »

——————————

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer