Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 18

 

Revenons à Vanda, que nous avons à peineentrevue depuis son retour à Paris.

Comme on le sait, le baronnet sir JamesNively, ce chef mystérieux des Étrangleurs qui un jour avait reprisle pouvoir des mains inhabiles de sir George Stowe, – sir JamesNively, disons-nous, s’était violemment épris d’elle en lavoyant.

Vanda avait joué à merveille son rôle de femmetrahie et ne vivait plus que pour la vengeance.

Sir Nively, qui avait d’excellentes raisonspour venir à Paris, car, à tout prix, il voulait retrouver Gipsy,enlevée par Rocambole, avait donc accueilli avec empressement cedépart de Londres.

On sait comment, arrêtés dans leur route, ilsavaient passé une nuit au château de Rochebrune.

Mais Vanda seule avait soulevé un coin duvoile mystérieux qui pesait sur le vieux manoir.

Sir Nively avait passé toute une nuit àRochebrune sans se douter qu’il était sous le toit de la femme queles Étrangleurs servaient avec un zèle fanatique.

Arrivé à Paris, sir James était d’aborddescendu à l’hôtel du Louvre.

Mais si splendide que soit cet établissement,il lui paraissait indigne de la femme qu’il aimait déjà avec cesombre enthousiasme particulier aux hommes de l’Extrême-Orient.

Dès le lendemain, sir James Nively, quipossédait des ressources mystérieuses incalculables sans doute,avait acheté un petit hôtel entre cour et jardin, tout meublé.

Il y avait conduit Vanda.

Puis, se mettant à ses genoux :

– Voilà votre palais, ô ma fée !

Et Vanda, armant ses lèvres de son sourire leplus fascinateur, lui avait répondu :

– Vous m’aimez donc bien ?

– Mon rêve est d’être votre esclave,répondit-il.

– Soit, répondit-elle. Mais écoutez mesconditions.

Il demeura à genoux :

– Parlez, dit-il.

– Je ne vous aimerai que le jour où jeserai vengée.

Elle lui tendit la main.

– Ce jour-là, dit-elle, c’est moi quiserai votre esclave. Mais, d’ici-là, considérez-moi comme une sœur,et rien de plus.

– Je vous le jure, répondit l’amoureuxbaronnet.

Vanda était donc à Paris depuis troisjours.

Si le baronnet restait dans les limites lesplus strictes du programme indiqué par elle, il se montraitnéanmoins jaloux déjà comme un amant heureux.

Elle n’avait pu s’échapper qu’une fois, etc’était le jour de son arrivée où nous l’avons vue venir rueSerpente, dans cette vieille maison dont la mère de Noël étaitconcierge.

Pendant les deux jours qui suivirent, sirJames Nively ne la quitta pas.

Vanda lui dit le matin du deuxièmejour :

– Mais, mon ami, vous m’avez promis de mevenger et vous savez que c’est à ce prix que je mets mon amour. Sivous passez votre temps à mes genoux comment retrouverons-nous cemisérable qui a enlevé Gipsy ?

Sir James eut un sourire mystérieux :

– Mon amie, dit-il, je dispose de forcesoccultes qui travaillent sans relâche, tandis que moi j’ai l’air desommeiller.

Il y a des hommes qui m’obéissent etmourraient sur un signe de moi, qui se feront les instrumentsdociles de ma volonté et de votre vengeance.

– Mais quand ? demanda Vanda, quiparut accueillir cette révélation avec un profond étonnement.

– Dans deux ou trois jours, je lesattends.

– C’est bien long ! soupiraVanda.

Tandis qu’elle paraissait tout entièreabsorbée par ses projets de vengeance, un valet entra apportant unelettre sur un plateau.

Sir James tressaillit à la vue des timbresbizarres qui couvraient l’enveloppe.

Il lui échappa même un geste de surprise, maisce fut tout.

Il ouvrit la lettre, la lut et la mit dans sapoche sans faire part à Vanda de ce qu’elle contenait.

Seulement, au bout de quelques minutes, il ditnégligemment :

– Il faut que je sorte. Je vais chez mesbanquiers MM. Davis-Humphry et C°. Vanda n’avait vuqu’une chose, c’est que la lettre était écrite en langueindoue.

Or, cette lettre que sir JamesNively, venait de recevoir et qui était datée de Calcutta étaitainsi conçue :

« Ali-Remjeh permet à missEllen de se faire connaître à son fils. Sir James Nively,l’exécuteur en Europe des volontés suprêmes du grand chef, estchargé de le lui annoncer. »

À peine sir James était-il parti queVanda se jetait dans une voiture de place et se faisait conduirerue Saint-Lazare, où elle espérait trouverRocambole.

Mais Rocambole, comme on le sait,n’y était pas, et Vanda avait écrit ce billet que Milon lui remitet dans lequel elle lui annonçait sa visite probable pourminuit.

Elle était de retour dans le petithôtel acheté par sir James avant que celui-ci ne fûtrentré.

Sir James n’avait jamais corresponduavec milady que par la maison de banque anglo-françaiseDavis-Humphry et C°. La succursale française de cettemaison avait, nous l’avons déjà dit, ses bureaux rue de laVictoire.

Sir James s’y rendit et laissa unmot ainsi conçu :

« Le mandataire d’Ali-Remjehdésire voir le major Hoff.

« Réponse et indication derendez-vous avenue Gabriel, aux Champs-Élysées.

« Sir JAMES NIVELY, esquire. »

Moins d’une heure après, sir Jamesreçut cette réponse :

« Le major Hoff attendra entreonze heures et minuit sir James Nively, boulevard des Capucines, auClub des Asperges . »

Or, cette lettre arriva dix minutesavant le retour de sir James.

Un domestique non initié encore auxhabitudes mystérieuses de sir James apporta cette lettre à Vanda,qui rentrait à l’instant même.

Vanda jeta la lettre sur un guéridonen disant :

– C’est pourmonsieur.

Mais à peine le domestique fut-ilparti, qu’elle reprit la lettre, s’empara d’un couteau à fruits quise trouvait sur le guéridon et en exposa la lame à la flamme de lacheminée.

Puis quand cette lame fut chaude,elle la passa entre le cachet de cire rouge et l’enveloppe et lecachet se détacha sans se briser.

Alors Vanda ouvrit la lettre quiétait écrite en anglais, la lut, la replaça dans son enveloppe, etpar le même procédé recacheta cette dernière.

Quelques minutes après, sir Jamesentra et trouva la réponse du major Hoff.

Le soir, à onze heures moins unquart, sir James sortit de nouveau, annonçant à Vanda qu’il nerentrerait que fort tard dans la nuit.

Vanda courut chez Rocambole quil’attendait.

Elle avait si bien retenu le contenude la lettre du major Hoff qu’elle put le répéter mot àmot.

– C’est bien, dit Rocambole.Maintenant, je crois que nous les avons tous sous la main et nousallons dresser un plan de campagne.

Vanda s’assit auprès de lui etattendit que Rocambole s’expliquât.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer