Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 12

 

Tandis que la mèche brûlait, tandis queRocambole, Vanda et Timoléon attendaient le moment fatal où lebaril de poudre ferait explosion, d’autres événements se passaientrue du Vert-Bois.

Comme nous l’avons vu, Rocambole n’avait pasvoulu emmener Milon, en dépit des sinistres pressentiments decelui-ci.

Milon avait ordre de veiller sur Gipsy etMarmouset.

Et cependant, si jamais Milon avait eu enviede désobéir à Rocambole, c’était assurément ce jour-là.

– Je ne sais pas, murmura-t-il tandis quele fruitier refermait sa boutique, mais j’ai idée qu’il va arrivermalheur au maître.

– Oh ! dit la belle Marton, quelleidée !

– Nous avons affaire de nouveau àTimoléon, dit Milon, et j’aimerais mieux tous les Étrangleurs de laterre contre nous.

– Bah ! fit le fruitier, lesÉtrangleurs ne sont pas dangereux. Du moins celui que nous avonsmis dans la cave, là-bas, n’a pas encore donné signe de vie.

Je suis descendu tout à l’heure pour chercherle pic, rien n’a bougé.

– Il dort sans doute encore, fitMilon.

Comme Milon disait cela, on frappa doucement àla porte de communication qui, de l’allée, ouvrait dans laboutique.

C’était, comme on dit, la porte deslocataires.

Le fruitier alla ouvrir et fit un geste desurprise en voyant entrer Marmouset.

Marmouset était pieds nus et en chemise.

Sans doute quelque événement inattendu l’avaitarraché de son lit.

De plus, il posait mystérieusement un doigtsur ses lèvres.

– Qu’est-ce qu’il y a ? dit lefruitier de plus en plus étonné.

– Il y a, dit Marmouset en entrant, quenous sommes refaits et le maître aussi.

Milon sentit quelques gouttes de sueur perlerà ses tempes.

Marmouset reprit :

– C’est dans la cave que vous avez misl’Anglais ?

– Oui.

– Et vous croyez qu’il y estencore ?

– Dame !

– Eh bien ! il n’y est plus, ditMarmouset.

– Oh ! fit le fruitier, c’estimpossible.

– Il s’est échappé…

– Mais par où ?

– Je ne sais pas.

– Échappé ! murmura Milon dont lescheveux blancs se hérissèrent.

– Heureusement, dit Marmouset, que nousallons le reprendre.

– Où est-il donc ?

– Dans la maison.

Marmouset parlait toujours à voix basse.

– Ah ! mais par exemple !dit-il, faut pas faire du bruit, et il faut ôter vos souliers.

– Pourquoi ? demanda lefruitier.

– Écoutez donc, reprit Marmouset.

Et s’adressant au fruitier :

– Vous avez un nouveau locataire depuisdeux jours ?

– Oui.

– Un vieux qui tient un bureau deplacement ?

– C’est cela.

– Eh bien ! l’Anglais est chezlui.

Cela paraissait si extraordinaire que lefruitier regarda Marmouset, comme s’il eût douté que l’enfant jouîten ce moment de sa raison.

– Écoutez, vous allez voir, repritMarmouset.

– Parle.

– Vous savez que Gipsy couche dans lapièce du fond, celle qui n’est séparée que par une cloison del’appartement du vieux ?

– Oui. Eh bien ?

– J’étais couché depuis une heure et jecommençais à m’endormir. Il m’a semblé que Gipsy se plaignait et jesuis entré dans sa chambre sur la pointe du pied.

Depuis qu’elle est folle, elle pleure souventen dormant et elle a des cauchemars.

Je me suis donc approché de son lit ;mais elle dormait et ne rêvait plus.

J’allais me retirer, lorsque tout à coup j’aivu comme un point lumineux dans le fond de l’alcôve :

C’était un petit trou dans le mur ; untrou rond et percé avec une vrille.

Le lit de Gipsy ne touche pas au mur ; unsentiment de curiosité m’a poussé à entrer dans l’alcôve.

J’ai collé mon œil à ce trou et j’ai regardé,me disant :

– Qu’est-ce que peut bien faire monvoisin, à cette heure ?

Un homme était assis devant une table, del’autre côté du trou, c’est-à-dire dans l’appartement du vieux.

Cet homme avait le visage tourné de moncôté.

– Eh bien ?

– Ce n’était pas le vieux ; c’estl’Anglais ! Si vous en doutez, venez avec moi.

Milon et le fruitier ôtèrent leurs souliers ettous deux sans lumière, ils se glissèrent dans l’allée de la maisonet montèrent l’escalier en retenant leur souffle.

Marmouset, en sortant, avait ouvert la portesans bruit et l’avait laissée entre-bâillée.

Gipsy dormait toujours.

Marmouset pénétra de nouveau dans l’alcôve etde nouveau colla son œil au trou.

Puis il prit Milon par la main et, l’attirantdoucement, il le força à prendre sa place.

Milon regarda à son tour et recula ensuited’un pas.

– C’est lui ! dit-il.

Marmouset saisit de nouveau le bras deMilon :

– Oui, dit Milon.

Mais comme s’il eût été saisi de vertige, oudu moins comme s’il avait eu peur d’être abusé par ses propresyeux, il se tourna vers le fruitier et le poussa à son tour vers letrou pratiqué dans la cloison.

Le fruitier n’avait vu sir James qu’endormi,et par conséquent, comme mort.

Maintenant sir James avait les yeux ouverts etil était dans l’attitude calme d’un homme qui se croit seul.

Néanmoins le fruitier le reconnut.

– Oui, dit-il, c’est bien lui.

– Que faut-il faire ? demandaMilon.

– C’est bien simple, réponditMarmouset.

– Ah !

– Qu’a voulu le maître en le jetant dansun cul de basse fosse ? le supprimer provisoirement, n’est-cepas ?

– Oui.

– Eh bien ! dit Marmouset,allons !

Et il se dirigea vers la porte.

– Un moment, dit le fruitier.

– Qu’est-ce qu’il y a ? demandaMilon.

– Je me méfie des Anglais, dit lefruitier. Ils ont toujours des revolvers dans leurs poches.

– C’est bien possible, fit Marmouset.

– Et je vas prendre mon merlin, ajouta lefruitier.

Or, le merlin est une sorte de marteau aveclequel on tue un homme d’un seul coup.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer