Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 45

 

Gustave Marion avait à côté de luiM. de Montgeron ; les quatre amis étaient dansl’intérieur du break ; un petit groom, juché sur lemarche-pied, devait tenir les chevaux.

La nuit était froide et sombre, bien qu’ontouchât à la fin de mars.

Il avait plu dans la soirée, le vent roulaitde gros nuages, et le décor était parfait pour un enlèvement.

Le break gagna les Champs-Élysées, descenditvers le Bois, arriva au pont de Saint-Cloud, longea le parc, roulabruyamment sur le pavé de Sèvres et atteignit Bellevue.

Gustave Marion s’arrêta, jeta les rênes augroom et mit pied à terre.

– Sommes-nous arrivés ? demandaMontgeron.

– Pas encore. Mais le bruit d’une voitureserait compromettant. Nous allons suivre à pied ce chemin bordéd’une haie ; tenez, d’ici on voit la maison au bas ducoteau.

– Je ne vois pas grand’chose, ditMontgeron, la nuit est noire.

– Moi, fit Charles Hounot, j’aperçoistrès bien un bâtiment carré avec une lumière au milieu, comme uncyclope qui ouvre son œil.

– C’est la maison. Le jardin est àl’entour.

– Et pas de voisinage ?…

– Aucun. La maison la plus rapprochée està plus de cinq cents mètres.

Les cinq jeunes gens laissèrent le break etles chevaux sur la route, aux mains du groom, et entrèrentrésolument dans le chemin creux que bordait une haie vive.

Le sol était boueux, et bien qu’ilsmarchassent rapidement, nos aventuriers ne faisaient aucunbruit.

Un quart d’heure après, ils étaient sous lesmurs du jardin.

La maison ressemblait à toutes les villas desenvirons de Paris.

Rien d’étrange, rien de sinistre ;Montgeron en fut frappé et dit en riant :

– On dirait que tu vas voir ton notaire,mon pauvre Marion ; jusqu’ici, tout cela est fortbourgeois ; il n’y a pas même un chien de garde !

Tout était silence autour de la maison ;cependant, la lumière aperçue au premier étage brûlaittoujours.

Gustave Marion tira de sa poche la clé qui luicoûtait si cher et l’introduisit dans la serrure de la grille.

La grille tourna sur ses gonds sans le moindrebruit.

– Jusqu’à présent, murmura Montgeron,resté en dehors avec ses compagnons, rien des Mystèresd’Udolphe.

Le joli crevé, qui songeait à enleverune femme, traversa le jardin sur la pointe du pied, tira saseconde clé et s’en servit avec le même succès.

La porte du vestibule s’ouvrit.

Une allumette-bougie permit à Gustave Marionde s’orienter.

Il trouva un escalier et prit la rampe ;puis il monta, étouffant le bruit de ses pas, sur une bande detapis qui couvrait le milieu des marches.

Arrivé au premier étage, il fut guidé par unrayon de lumière et éteignit sa bougie.

La lumière partait de l’extrémité d’uncorridor au bout duquel se trouvait une porte vitrée.

– Bon ! se dit Marion, c’est lachambre à coucher de la dame.

Et il s’avança avec les mêmes précautions.

Il y avait, en effet, une porte vitrée au boutdu corridor et le jeune homme, se dressant sur la pointe du pied,colla son visage à l’un des carreaux.

Mais soudain ses cheveux se hérissèrent, sonfront s’inonda de sueur, une épouvante indicible le prit à lagorge, et il tomba lourdement en arrière en jetant un criétouffé.

De l’autre côté de la porte vitrée, GustaveMarion avait aperçu une chambre tendue de noir, comme une chapellemortuaire.

Sur un lit de parade, un cadavre ; aupied du lit, une femme qui pleurait.

La femme, c’était la Belle Jardinière.

Le cadavre, qu’on aurait pu prendre pour unhomme endormi, tant le visage était calme, – Gustave Marion l’avaitreconnu sur-le-champ…

C’était celui du marquis Gustave de Maurevers,disparu il y avait un an, et qu’on avait cherché vainement auxquatre coins du monde !

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