Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 16

 

Cependant la terrible mèche brûlaittoujours.

Timoléon s’était couché à côté du baril etattendait tranquillement la mort.

Rocambole, après s’être épuisé en effortsimpuissants pour ébranler et enfoncer la porte, avait senti son âmede bronze se fendre.

Il voulait bien mourir, lui, mais il voulaitsauver Vanda.

– Timoléon ? s’écria-t-il.

– Que veux-tu ? demanda le blessé entournant la tête.

– Tu veux ma mort et je te comprends, etje ne te demande pas grâce pour moi ! dit Rocambole d’une voixsuppliante ; mais laisseras-tu mourir une femme ?

Timoléon ne répondit pas.

– Écoute, poursuivit Rocambole, quisuivait d’un œil anxieux les progrès du feu sur la mèche et lavoyait se consumer lentement, si tu veux arracher cette mèche, jete jure que je vais m’enfoncer mon poignard dans la gorge jusqu’aumanche.

Timoléon se mit à rire.

– Tu as trop de chance, répondit-il, tute manquerais.

– Tu attendras que j’aie rendu le derniersoupir pour ouvrir la porte, supplia encore Rocambole.

Mais Vanda se jeta à son cou :

– Non, dit-elle, je veux mourir avectoi.

Rocambole poursuivit :

– Que tu me haïsses, moi, je lecomprends : mais souilleras-tu tes mains du sang d’unefemme ?

– As-tu eu pitié de ma fille, toi ?ricana Timoléon.

Rocambole courba la tête.

La mèche brûlait avec une effrayanterapidité.

Rocambole prit son poignard.

– Je vais me tuer, dit-il. Quand je seraimort, peut-être auras-tu pitié d’elle.

Mais Vanda lui arracha le poignard et le jetapar la lucarne de l’autre côté de la porte, répétant avecenthousiasme :

– Puisque je veux que nous mourrionsensemble !

Rocambole poussa un cri étouffé et Timoléoncontinua à attendre la mort avec sa froide impassibilité.

Mais soudain Vanda se serra contreRocambole :

– Entends-tu ? dit-elle,entends-tu ?

– Quoi donc ? dit Rocambole.

Un aboiement avait retenti au-dessus de latête de Vanda.

C’était le chien de Marton qui venait defouiller la broussaille qui se trouvait auprès de la crevassesupérieure de la carrière.

– Peut-être vient-on à notre aide,murmura Vanda.

– Qui donc viendrait ? fitRocambole.

– Je ne sais pas… mais j’espèreencore…

Un second aboiement se fit entendre !…mais plus affaibli, plus lointain.

– Fol espoir ! dit Rocambole dontles regards semblaient rivés à la terrible mèche.

Mais soudain une ombre se fit dans le couloirque la mèche éclairait.

Une masse noire tomba comme la foudre et futd’un bond sur Timoléon.

– Le chien ! le chien ! criaVanda.

Le chien avait saisi Timoléon à la gorge, etil hurlait de rage.

– Le chien de Marton ! s’écriaVanda, qui le reconnut.

– Il n’éteindra pas la mèche, murmuraRocambole.

Le chien avait enfoncé ses redoutables crocsdans les chairs de Timoléon.

La douleur rendit à cet homme résigné à mourirun peu de l’instinct de la conservation.

Il essaya de se dégager, de lutter, et sesmains crispées rencontrèrent le poignard que Vanda avait jeté àtravers la porte pour empêcher Rocambole de se tuer.

Alors commença une lutte étrange et sauvageentre le chien et l’homme.

Timoléon frappait d’une main malassurée ; le chien exaspéré par la douleur le mordait avecfureur.

L’homme poussait des cris étouffés.

Le chien hurlait.

Rocambole et Vanda assistaient haletants à ceduel bizarre et avaient presque oublié la mèche qui brûlait.

Un moment, pourtant, ils eurent un étrangeespoir.

Dans ses bonds convulsifs, le chien avaittouché la mèche et avait failli l’entraîner hors du baril.

Mais le Pâtissier l’avait si profondémentenfoncée qu’elle résista.

Timoléon ne criait plus, il hurlait, et samain avait laissé échapper le poignard.

Mais bientôt ses mouvements s’affaiblirent,puis s’éteignirent tout à coup.

Un moment encore son corps convulsé s’agitasous le chien.

Puis il garda l’immobilité de la mort.

L’animal avait triomphé de l’homme.

Le chien de la belle Marton avait étrangléTimoléon.

Et il se coucha, tout sanglant, sur le cadavrede son ennemi.

– Au moins ! murmura Rocambole, nousallons mourir vengés !

**

*

La mèche n’était plus qu’à deux pouces dubaril.

– Plus d’espoir ? murmuraRocambole.

– J’espère encore, moi, répondit Vandaavec une énergie désespérée.

Rocambole s’était mis à genoux et demandaitpardon à Dieu de ses crimes.

La mèche avançait avec une rapiditévertigineuse.

– À genoux ! cria Rocambole à Vanda,à genoux ! et prie !

– Oh ! je t’aime… et Dieu tepardonnera ! répondit-elle en l’imitant.

La mèche commençait à lécher les paroisinférieures du baril, et, dans une minute, tout seraitfini !

Mais alors, une ombre nouvelle tomba comme lafoudre des bords du puits dans le souterrain, arriva en bondissantet jeta un cri :

– Sauvés !

C’était Marmouset qui venait d’arracher lamèche, juste au moment où elle allait atteindre la bonde dubaril.

Le chien se leva en hurlant, et Rocambolesentit Vanda glisser évanouie dans ses bras.

– Dieu ne veut donc pas que jemeure ! murmura Rocambole.

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