Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 13

 

Tandis que le fruitier descendait chercher sonmerlin, Milon et Marmouset s’étaient glissés sur le carré ets’étaient placés en sentinelle à la porte du logement de Timoléon,de façon à couper toute retraite à sir James Nively qui pouvaitavoir entendu quelque bruit et être pris du désir de fuir.

Le fruitier remonta.

– Un instant, dit Marmouset, si vous m’encroyez, vous me laisserez jaser le premier avec l’Anglais.

– Comme tu voudras, dit Milon.

Marmouset frappa à la porte.

Un bruit de chaise vivement remuée apprit àl’enfant et à ses compagnons que sir James s’était levébrusquement.

Mais on ne répondit pas, et la porte nes’ouvrit point.

– Voilà un coup d’épaule à donner,souffla Marmouset à l’oreille de Milon.

Le géant ne se le fit pas répéter.

Il s’arc-bouta contre la porte, donna unesecousse et la porte s’ouvrit avec fracas.

Sir James jeta un cri de stupeur et peut-êtremême d’épouvante en voyant ces trois hommes faire irruption dans lachambre.

Il avait reconnu Marmouset et Milon.

Le fruitier, sur un signe de Marmouset, se ruasur sir James, le saisit à la gorge et leva son terrible merlin,disant :

– Si tu pousses un cri, tu esmort !

Sir James était un homme de prodigieuxsang-froid, et si désespérée que lui parût la situation, il résolutde lui tenir tête.

Il fit un signe de la main qu’il ne voulaitopposer aucune résistance.

– Lâche-le, dit Marmouset, nous allonscauser.

Milon, sur un geste de Marmouset, allaitfermer la porte, lorsque la belle Marton et son chienentrèrent.

– Je veux en être, moi aussi, ditMarton.

Sir James avait croisé ses bras sur sapoitrine et regardait tous ces gens-là avec calme.

– Que me voulez-vous ? dit-il.

– Ferme la porte, Milon, ditMarmouset.

Puis s’adressant à sir James :

– Milord, dit-il, nous n’avons pas besoinde vous demander votre nom. Vous êtes sir James Nively, le chef desÉtrangleurs de Londres, mais nous désirons savoir comment, vousayant enterré vivant, il y a quarante-huit heures, dans une cave,nous vous retrouvons ici.

– C’est fort simple, répondit sir James,mes amis m’ont délivré.

– Je le pense bien, répliqua Marmouset,seulement ils ont eu tort de vous déposer ici puisque vous voilàretombé en notre pouvoir.

– Aussi, dit froidement l’Anglais,suis-je prêt à céder à la force.

– En vérité !

– Et à retourner dans la cave.

– Oh ! non pas, fit Marmouset.

– Ou à vous suivre où il vous plaira dem’emmener, dit encore sir James.

– Ceci est une erreur, fit Marmouset.

– Je ne comprends pas.

– Un homme qui, comme vous, sort d’unecave, en état de léthargie, est trop difficile à garder. Le maîtrene nous a pas donné d’ordres précis vous concernant, puisqu’ilignore encore votre évasion, mais certainement il nousapprouvera.

En même temps, Marmouset fit un nouveau signeau fruitier :

– Tu as une bonne poigne, dit-il, passeton merlin à Milon et étrangle-moi un peu milord.

Sir James pâlit ; mais il ne prononça pasun mot.

Milon s’était emparé du merlin, et le fruitiercommençait à serrer la gorge de sir James.

– Un moment, dit Marmouset.

Le fruitier s’arrêta dans sa pression et lemerlin prêt à retomber sur la tête de sir James, demeurasuspendu.

– Milord, dit Marmouset, si vous voulezgagner une heure ou deux, et attendre, par conséquent, le retour dumaître, qui décidera de votre sort, vous ferez bien de nous fairedes révélations.

– Hein ? fit sir James toujourscalme et qui avait paru attendre la mort avec l’impassibilité desOrientaux.

– Quels sont les amis qui vous ont tiréde la cave ?

– Je ne sais pas.

– Allons donc ! comment êtes-vousici ?

– Je ne sais pas…

– Prenez garde ! dit Marmouset, nousn’avons pas le temps de flâner.

– Mais enfin, s’écria Milon dont unsoupçon traversa l’esprit, si Monsieur est ici, c’est que lelocataire de l’appartement l’a bien voulu.

Un sourire passa sur les lèvres de sirJames.

– C’est probable, dit-il.

– Comment ! exclama le fruitier, cevieux ?…

– Ce vieux, dit Milon, est évidemment uncomplice de l’Anglais, et il nous a tous roulés…

– Alors, dit Marmouset, Monsieur va nousdire son nom.

Sir James haussa les épaules.

– Je l’ignore, dit-il.

– Prenez garde ! répéta Marmouset,si vous vous obstinez je vous fais assommer à coups de marteau.

– Non, dit Milon, le maître ne l’a pasdit.

– Mais, s’écria Marmouset, le maîtrecourt peut-être un danger à cette heure.

Sir James ne répondit pas ; mais unéclair de joie sauvage brilla dans ses yeux ; et Marmousetsurprit cet éclair.

En même temps, le chien qui, depuis deuxminutes furetait dans la chambre, se mit à hurler.

Il avait trouvé sur un fauteuil la vieillehouppelande du prétendu placeur et il la mordait avecfureur :

– C’est la pelure d’un ennemi, bien sûr,bien sûr ! dit la belle Marton.

Milon eut de nouveau un éclaird’intelligence.

– Comment est-il ce vieux-là ?demanda-t-il au fruitier.

Le fruitier lui dépeignit de son mieux lebonhomme.

Un nom jaillit des lèvres de Milon :

– Timoléon ! dit-il.

En même temps un mouvement échappa à sirJames.

– Nous sommes fixés, murmura Marmouset,qui avait surpris ce mouvement.

Le chien hurlait de plus belle.

– Mes amis, dit Marmouset, je partagel’opinion de Milon. Le maître court un grand danger, et il fautsauver le maître. Le bonhomme qui a loué cette chambre n’est autreque Timoléon. Où est-il ? Il faut que monsieur nous ledise !

Sinon, monsieur va mourir.

Milon avait repris son merlin, et le fruitier,sautant à la gorge de sir James, l’avait terrassé.

– Tuez-moi ! ricana sir James ;mais vous ne saurez rien… et je mourrai vengé !

– Frappe, Milon, frappe ! ditMarmouset.

Mais la belle Marton arrêta le bras deMilon.

– C’est pas la peine, dit-elle ;nous n’avons pas besoin de monsieur pour savoir où estTimoléon.

Le chien, qui entendait retentir ce nom pourla seconde fois, aboyait avec rage.

– Et comment le retrouverons-nous ?demanda Milon ?

– Mon chien est là, dit Marton.

Et s’adressant à l’animal :

– Cherche Timoléon, dit-elle,cherche ! cherche !

Le chien s’était élancé vers la porte.

Marmouset se retourna vers Milon :

– Cette femme a raison, dit-il. Lefruitier et la Mort-des-braves vont garder l’Anglais à vue, jusqu’àce que nous revenions, toi et moi. Ils feront même bien de leficeler un peu ; et, ma foi ! s’il fait du tapage…

– Faudra-t-il jouer du merlin ? ditle fruitier.

– Oui.

– Mais nous… fit Milon ?…

– Nous, dit Marmouset, nous allons suivreMarton, c’est-à-dire son chien, et si nous retrouvons Timoléon, ilfaudra bien qu’il nous dise ce qu’il a fait du maître.

La belle Marton s’était emparée de lahouppelande et la faisait sentir au chien qui hurlait toujours avecfureur, ses yeux sanglants tournés vers la porte.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer