Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 18

 

Que Vanda fût ou non la femme de sir JamesNively, pour les domestiques c’était madame.

Aussi, à sa vue, tous les beaux projets defuite et de vol s’évanouirent et tout rentra dans l’ordre.

Vanda, avant d’entrer, avait renvoyé cettevoiture de maître qui l’avait amenée.

Elle alla droit à sa chambre à coucher, et dità sa femme de chambre :

– Déshabillez-moi.

Une demi-heure après, Vanda en peignoird’intérieur, dans une chauffeuse, au coin du feu, prenaitl’attitude oisive et nonchalante d’une femme qui n’a autre chose àfaire qu’à attendre l’homme qu’elle aime.

Les gens de l’office, pendant ce temps, seregardaient d’un air consterné, et le cocher reprochait au valet dechambre de n’avoir pas pris les trois mille francs aussitôt qu’illes avait découverts.

Une heure après l’arrivée de Vanda, un nouveaubruit de voiture se fit entendre à la porte.

C’était le grand coupé de maître à deuxchevaux qui revenait.

Cette fois, ce fut un homme qui endescendit.

Les domestiques reconnurent cet homme quis’était dit l’ami de sir James et les avait si fort dominés de sonregard : c’est-à-dire Rocambole.

Le major Avatar était en toilette de ville, etd’une élégance parfaite.

Aussi calme que Vanda, il ne paraissait mêmepas se souvenir du danger qu’ils avaient couru tous les deux,quarante-huit heures auparavant.

Rocambole entra dans l’hôtel, comme un maître,et, cette fois, il ne demanda pas ce qu’était devenu sir James.

Il se borna à cette question :

– Madame est-elle dans sa chambre ou ausalon ?

– Dans sa chambre, répondit lacamérière.

Rocambole y alla tout droit, baisa la main deVanda et s’assit auprès d’elle.

Quelques minutes après, la camérière descenditaux cuisines et dit :

– Est-ce que vous comprenez quelque choseà tout cela, vous autres ?

– Rien du tout, dit-on d’un communaccord.

– Cependant, moi, fit le cocher, j’ai uneidée.

– Voyons !

– Madame n’était pas mariée avec sirJames.

– Bon ! c’est comme ça.

– Elle l’a flanqué à la porte.

– Bon !

– Et c’est l’autre qui prend saplace.

– C’est mon idée aussi, dit lacamérière : tout à l’heure je me suis glissée dans le cabinetde toilette et je me suis mise à écouter ce qu’ils disaient.

– Eh bien ?

– Mais je n’ai pas compris un mot.

– Ils parlaient anglais ?

– Non, allemand ou russe, je ne sais pastrop.

– Ça fait, dit le valet de chambre, quemaintenant nous ne sommes plus au service de madame ?

– Non.

– Mais au service de cet autre qui vousbrûle les yeux quand il vous regarde ?

– Oui.

– C’est drôle, tout de même.

– Non, dit le cocher, puisque madame estchez elle, à preuve que lorsque nous sommes entrés nous avons eutous affaire à elle.

– C’est juste. Après tout, pourvu qu’onnous paye.

Le valet de chambre soupira, en parlant ainsi,après les trois rouleaux de mille francs.

**

*

Or, voici quelle était la conversation deRocambole et de Vanda qui causaient en langue russe, ce qui n’avaitpas permis à la camérière de comprendre ce qu’ilsdisaient :

– Maître, disait Vanda, il s’est passétant de choses étranges depuis quatre jours, que je me demandeencore si je ne rêve pas.

– Il est certain que nous l’avons échappébelle, dit Rocambole : sans Marmouset, nous étions perdus.

– Enfin, dit Vanda, nous n’avons plusrien à craindre, ni du Pâtissier, ni de Timoléon.

– Timoléon est mort, et le Pâtissier nevaut guère mieux.

– Je crois qu’il est blessé mortellement,dit Vanda.

– C’est du moins l’avis du médecin del’hospice dans lequel il a été transporté. Dans tous les cas, s’ilsurvit, il demeurera idiot, et nous n’avons rien à craindre de sesrévélations.

Mais, acheva Rocambole, qui ne put réprimer unléger frisson, il était temps que Marmouset arrachât la mèche. Dixsecondes et nous étions morts.

– Maître, reprit Vanda, me diras-tumaintenant pourquoi tu as voulu que je revinsse ici ?

– C’est fort simple. Cette maison est àtoi. Le contrat de vente n’a-t-il pas été passé en tonnom ?

– C’est juste… mais… sir James ?

– Eh bien ! sir James habiteral’hôtel aussi.

Vanda regarda Rocambole avec étonnement.

– Comment ! dit-elle, est-ce que tune vas pas le laisser dans les caves de la rue duVert-Bois ?

– Non.

– Tu veux donc lui rendre laliberté ?

– Pas davantage.

– Alors, je ne comprends pas.

– C’est fort simple, pourtant : sirJames demeurera ici et il sera ton prisonnier.

– Sur parole ? fit Vanda d’un air dedoute.

– Non, sous la garde de Milon.

– Mais les domestiques ?…

– Ah ! les domestiques, réponditRocambole, tu vas les congédier ce soir même en leur donnant unmois de gratification.

– Tous ?

– Sans doute.

– Mais sous quel prétexte ?

– Le prétexte le plus naturel dumonde : tu n’aimes plus sir James et tu l’as congédié.

– Bon !

– Tu m’aimes et je prends la place de sirJames.

– Alors, je fais maison nette pour t’êtreagréable ?

– Justement, et nous prenons pourdomestiques tous nos gens à nous, Noël, la Mort-des-braves, Milonet le Chanoine.

La belle Marton devient ta femme dechambre ; Gipsy passe pour ta jeune sœur ; Marmouset estmon neveu. La maisonnée est complète, et les Champs-Élyséesdeviennent notre quartier général.

– Après ? fit Vanda.

– Comment ! après ? mais tusais bien que notre œuvre n’est point terminée.

– C’est juste.

– Et qu’il nous faut enfin les millionsde la bohémienne.

– Oui, mais comment lesaurons-nous ?

– Pour le moment, c’est encore monsecret, répondit Rocambole.

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