Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 1

 

Revenons à Rocambole, qui fut fort surpris, enarrivant à l’hôtel des Champs-Élysées, de n’y plus retrouverVanda.

Que pouvait-elle être devenue ?

Les domestiques, qu’il interrogea, lui firenttous la même réponse : on leur avait donné congé, ils étaientsortis et à leur retour, ils n’avaient plus trouvé ni leur maître,ni Vanda.

Rocambole leur dit ensuite :

– Je suis l’ami intime de sir JamesNively, votre maître, et je suis tout aussi inquiet que vous de sadisparition.

Par conséquent, comme il faut le retrouver,lui et la dame qui se trouvait ici, vous allez m’obéir.

Les domestiques ne virent aucun inconvénient àcela.

Rocambole poursuivit :

– J’ai de graves soupçons, et pour menerà bien le résultat que je me propose, il est de toute utilité quedans le quartier on ne sache rien de ce qui s’est passé ici.

Les domestiques promirent tout ce quedemandait Rocambole.

Celui-ci s’installa dans l’hôtel etattendit.

Un quart d’heure après, Milon arriva.

Rocambole avait retrouvé son impassibilitéordinaire et il se borna à dire à Milon :

– Je crois que, au moment où nous nouscroyions les plus forts, nous avons été battus.

Milon ouvrit de grands yeux.

– Où est Vanda ? repritRocambole.

– Mais… elle doit être ici…

– Non. On ne l’a pas vue depuis cettenuit.

Milon eut un geste d’inquiétude.

– Inutile de te dire, reprit Rocambole,qu’elle a été enlevée.

– Enlevée !

– Oui. Par qui ? C’est ce que nouschercherons tout à l’heure. En attendant, suis-moi.

Et il entraîna Milon dans le boudoir de Vanda,– cette même pièce où sir James était tombé évanoui durant lanuit.

– Regarde, dit Rocambole. Ne vois-tu pasles traces d’une lutte ? Le parquet garde l’empreinte de piedsboueux.

– C’est vrai, dit Milon.

– On a enlevé Vanda, reprit Rocambole,ceci est certain.

À la porte extérieure se trouvent les mêmesempreintes.

Dans la rue, j’ai remarqué le train d’unevoiture à quatre roues qui devait être attelée de deux petitschevaux ; j’en conclus que cette voiture était un fiacre.

On a dû garrotter et bâillonner Vanda pourl’emporter.

Le fiacre a ensuite servi à l’enlèvement.

– Ce n’est toujours pas l’Anglais qui afait le coup ? observa Milon.

– Ça ne peut être lui, dit Rocambole,mais, il a des gens à ses ordres, et ces gens ont peut-être exécutéun plan formé à l’avance.

– Alors, dit Milon, comment se faisait-ilque l’Anglais, après avoir donné des ordres, ait voulu ne pas enattendre l’exécution en tuant Vanda ?

Cette observation était d’une logiquerigoureuse et frappa Rocambole.

– Cependant, dit-il, les gens qui ontpénétré ici pour s’emparer de Vanda devaient être de connivenceavec sir James. Car, sans cela, comment seraient-ilsentrés ?

– Mais, répondit Milon, si cela était,maître, il faudrait supposer que c’est sir James qui leur aouvert.

– Oui.

– Alors pourquoi ne sont-ils pas venus ausecours de sir James quand nous l’avons enlevé ?

– C’est juste, murmura Rocambole, quidonc soupçonner alors ?

– Cet Allemand.

– Le major Hoff ?

– Oui.

Rocambole parut réfléchir un moment.

– Si ce que tu dis là est vrai, fit-il,cet homme n’a point agi tout seul.

– C’est probable.

– Il y a une femme dans son jeu, et cettefemme, c’est justement milady.

– Naturellement, dit Milon.

– Or, milady va venir ici.

– Naturellement, répéta Milon, puisquesir James lui a donné rendez-vous.

Comme Milon parlait ainsi, la cloche de lagrille se fit entendre.

Rocambole s’approcha d’une croisée et aperçutun petit coupé brun qui stationnait devant l’hôtel.

Une femme en descendit et entra dans la courd’un pas rapide.

Bien qu’elle eût un voile épais sur le visage,Rocambole la reconnut sur-le-champ.

C’était milady.

Et il courut au vestibule et dit au valet dechambre :

– Introduis cette dame au salon etprie-la d’attendre.

Le laquais suivit les instructions à lalettre.

Milady, qui s’attendait à être reçue par sirJames Nively, le représentant du terrible Ali-Remjeh, pénétra dansle salon sans défiance.

À peine était-elle assise que Rocamboleentra.

Milady étouffa un cri de surprise en levoyant, car elle avait, sur-le-champ, reconnu en lui le personnagequi s’était dit l’ami de Lucien et avait annoncé la veille à MarieBerthoud le duel du jeune homme avec le marquis deRouquerolles.

– Comment ! dit-elle, vous ici,monsieur ?

– Oui, milady.

– Vous connaissez donc sir JamesNively ?

– C’est-à-dire qu’il m’a chargé de vousrecevoir.

– Moi ?

Et milady eut comme un geste d’effroi.

Mais elle eut bientôt repris son calme et sonimpassibilité ordinaires.

– Sans doute, monsieur, dit-elle, sirJames, forcé de sortir, vous a chargé de me prierd’attendre ?

– Pas précisément, milady.

Elle prit un air étonné.

– Je ne vous comprends pas, dit-elle.

– Milady, reprit Rocambole en laregardant fixement, sir James Nively n’est plus ici, il a dû partirce matin pour Londres.

– Alors, dit-elle, je n’ai plus qu’à meretirer.

– Pardon ! fit Rocambole, j’ai lespouvoirs de sir James et qui mieux est, ceux d’Ali-Remjeh.

À ce dernier nom, milady tressaillit et seleva vivement.

– Qu’avez-vous dit ? fit-elle avecune émotion subite.

– J’ai dit que j’avais les pouvoirsd’Ali-Remjeh.

Milady le regardait avec une sorted’étonnement.

– Cela ne doit pourtant pas vous étonner,reprit Rocambole, que le chef des Étrangleurs de l’Inde ait desreprésentants partout.

– Comment vous nommez-vous donc ?demanda-t-elle.

– Je suis le major Avatar…

Ce nom résonnait pour la première fois auxoreilles de milady et ne lui apprit rien.

Rocambole poursuivit :

– Milady, je vais en deux mots vous fairecomprendre que je suis initié à tous vos secrets.

Elle continuait à le regarder avecinquiétude.

– Ali-Remjeh est le père de votre fils,continua Rocambole.

– Après ? fit-elle.

– Vous avez trempé vos mains dans le sangde votre père.

Elle devint livide.

– Après ? dit-elle encore.

– Maintenant, poursuivit Rocambole, il ya entre Ali-Remjeh et vous une communauté de secrets telle que vousdevez lui obéir.

– Qu’ordonne-t-il ? demanda-t-elleavec soumission.

– Je vous le dirai dans trois jours.

– Ah !

– Hier on vous a permis de voir votrefils.

– Oui.

– Et vous l’avez vu ?…

– Si je l’ai vu ! s’écria-t-elleavec un subit enthousiasme.

– Dans trois jours, à pareille heure,vous me trouverez chez lui, et là, vous saurez ce que veutAli-Remjeh.

En même temps, Rocambole eut un geste quivoulait dire :

– Pour aujourd’hui, notre entrevue estterminée.

Milady se leva et fit un pas de retraite.

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