Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 42

 

Les deux points lumineux ne demeurèrent paslongtemps immobiles.

Tout à coup ils s’agitèrent et bondirent.

On eût dit une étoile détachée de son centrede gravité et exécutant une course folle à travers l’espace.

En même temps Vanda entendit un autre criaigu.

C’était un rat retardataire qui s’était laisséprendre.

En ce moment aussi, Vanda fit un mouvement etce mouvement fut suivi d’un léger bruit.

Le chat, car c’en était un, prit la fuite.

Vanda le vit bondir, et, suivant la directionde ce regard qui brillait comme une luciole, elle comprit qu’ilgrimpait le long des parois de la carrière.

À une certaine hauteur, il s’arrêtaencore.

Vanda fit un pas en avant.

Il grimpa plus haut.

Elle en fit un autre encore et, tout à coup,les yeux enflammés disparurent.

Vanda avait fini par se familiariser avec cesténèbres opaques qui l’entouraient.

Bien après que le chat eut disparu, ellecroyait voir encore le chemin qu’il avait suivi.

Et, les mains étendues en avant, elle sedirigea vers l’endroit où il avait commencé à grimper.

La paroi de la roche était raboteuse.

À n’en plus douter, c’était l’endroit où,tandis que la lanterne du Pâtissier éclairait la carrière, elleavait remarqué des anfractuosités assez profondes pour qu’on pût yintroduire les pieds et les mains.

L’endroit encore où, tout en haut, elle avaitremarqué un trou qui pouvait laisser passer un corps humain.

Sans nul doute c’était par là que le chatavait pris la fuite.

Alors commença pour Vanda un singulier travailde patience, – le travail d’un être humain escaladant un rocher aumilieu d’une obscurité profonde.

Ses mains rencontrèrent une crevasse et s’ycramponnèrent, tandis que ses pieds en cherchaient une autre. À unmètre du sol à peu près, son pied droit trouva un trou.

Vanda y posa les deux pieds et ses mainscherchèrent une autre anfractuosité.

Peu à peu, avec une patience inouïe, tâtonnantlongtemps, risquant à chaque seconde de retomber, Vanda s’éleva àune certaine hauteur.

Le chemin suivi par le chat était toujoursprésent à son esprit et elle croyait encore voir cette tracelumineuse qu’elle avait suivie des yeux.

À mesure qu’elle montait, les anfractuositésse multipliaient et l’ascension devenait plus facile.

Tout à coup, Vanda sentit un souffle au-dessusde ses cheveux, une haleine chaude et qui paraissait s’échapperd’une poitrine vivante.

Elle leva la tête et revit les deux yeuxbrillants.

C’était le chat qui s’était familiarisé etétait revenu.

– Ah ! te voilà ? ditVanda.

Sa voix effraya le chat, qui disparut denouveau.

Vanda comprit qu’elle atteignait ce trouqu’elle avait déjà remarqué.

En effet, ayant gravi à peu près un pied deplus, elle sentit un vent frais lui caresser le visage.

En même temps, elle aperçut les deux yeux àune assez grande distance, dans une direction horizontale.

Et, montant encore, elle se trouva dans uneespèce de boyau latéral à la carrière.

Alors elle frappa dans ses mains.

Le chat prit la fuite, et, quand il eutdisparu, Vanda vit une clarté pâle à l’extrémité de ce boyau quilui avait servi de chemin.

D’où provenait cette clarté ?

Vanda eut une espérance. C’était peut-être uneissue ignorée de Timoléon.

Peut-être allait-elle recouvrer saliberté.

Et, se glissant à plat ventre dans le boyau,elle se mit à avancer, les mains toujours étendues en avant, lesyeux fixés sur une clarté blafarde qui brillait dans lelointain.

Vanda ne se trompait qu’à moitié.

La lueur blafarde était celle du jour.Seulement, comme le boyau faisait un coude, la lumière le faisaitaussi et Vanda n’en voyait que le reflet.

Quand la prisonnière fut parvenue à ce coude,une clarté plus vive frappa son visage.

Elle vit alors assez distinctement, à unedizaine de pas devant elle, un trou par lequel venait cettelumière, et qui avait dû servir d’issue au chat.

En même temps, le boyau s’élargissait peu àpeu, et Vanda n’était plus obligée de ramper.

Elle arriva jusqu’à ce trou et reconnut qu’ildonnait dans une autre carrière, à ciel ouvert sans doute, car lalumière y tombait verticalement.

Seulement, le trou était trop petit pour qu’uncorps humain, si frêle et si mince qu’il fût, pût y passer.

Vanda reconnut avec désespoir qu’il étaitl’œuvre de la nature et non celle des hommes, et qu’il étaitpratiqué non point dans cette pierre molle et crayeuse descarrières, mais dans une roche dure.

Or, Vanda n’avait ni outil, ni couteau, niaucun instrument qui lui permît d’attaquer cette roche avecsuccès.

Tout ce qu’elle put faire, ce fut de regarderpar ce trou dans la carrière dont le sol était presque de niveauavec le trou.

Elle vit alors un amas de cendres, quelquesdébris de tisons, une cruche cassée, et deux ou trois vieillesplanches dans un coin.

C’était une preuve que la carrière avait étéhabitée quelquefois.

Par qui ?

Sans doute des voleurs ou des vagabonds quivenaient la nuit y chercher un refuge.

Et Vanda se dit :

– D’un moment à l’autre, ils peuventvenir…

Alors, je m’adresserai à eux… Je leurpromettrai de l’argent, au besoin…

Et Vanda espéra…

**

*

Plusieurs heures s’écoulèrent.

Vanda attendait toujours, aspirant avec uneâpre volupté cet air plus pur qui lui venait par l’orifice.

D’ailleurs elle était débarrassée des rats etc’était beaucoup.

La lumière s’affaiblissait cependant.

Vanda comprit que le jour tirait sur sondéclin.

Puis elle disparut tout à fait. Il étaitnuit.

Un moment, Vanda pensa à rebrousser chemin età descendre de nouveau dans la carrière où on l’avait enfermée, depeur que les gens de Timoléon ou Timoléon lui-même, nerevinssent.

Mais soudain elle entendit du bruit de l’autrecôté du trou et demeura immobile.

C’était un bruit de pas qu’elle avaitperçu.

Bientôt elle vit s’agiter une forme noire etune voix rauque et avinée murmura :

– Pourvu qu’il y ait encore du feu.

Vanda devina que cet hôte inconnu, maisqu’elle attendait avec tant d’impatience, fouillait dans lescendres pour y retrouver un charbon encore allumé.

En effet, peu après, un soupir de soulagementse fit entendre, puis un souffle puissant arracha quelquesétincelles à un tison et à la lueur de ces étincelles, Vandaaperçut un visage rouge et hideux.

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