Le Dernier mot de Rocambole – Tome II

Chapitre 19

 

Qu’était devenu sir James Nively ?

Marmouset et Milon, partant sur les pas duchien, à la recherche de Timoléon et par conséquent de Rocambole,l’avaient laissé sous la garde de la Mort-des-braves et dufruitier.

Sir James était un homme de prodigieuxsang-froid.

Il eut la sagesse de ne faire aucunerésistance, et de se laisser aller avec un flegme tout britanniqueau courant des événements.

D’ailleurs, il n’avait pas d’armes, et sesdeux gardiens étaient de force à l’assommer d’un coup de poing s’ilavait essayé de leur échapper.

Il ne chercha point à briser ses liens etdemeura couché sur le parquet, avec la résignation d’un fakirindien.

La nuit s’écoula. Personne ne revint.

La Mort-des-braves et le fruitier seregardaient avec inquiétude.

Qu’était devenu le maître ?

Toute la question était là pour eux.

Enfin, vers huit heures du matin, Milonarriva, suivi de Marmouset.

À leurs visages émus mais triomphants, lefruitier et la Mort-des-braves comprirent que Rocambole étaitsauvé.

Milon voulut parler ; mais il ne leput.

Ce fut Marmouset qui se fit l’historien decette nuit d’émotions qui avait failli être la dernière nuit deRocambole.

Sir James ne perdit pas un mot de cerécit.

Timoléon était mort, le fait étaitcertain ; Rocambole était vainqueur, et, par conséquent, lui,sir James, il n’avait plus à compter que sur lui-même pourcontinuer une lutte désormais inégale.

Mais cet homme était bien trempé ; il nese décourageait jamais, et il avait une foi aveugle dansl’avenir.

Marmouset dit au fruitier :

– Le maître ne viendra pas, mais j’ai sesinstructions.

– Qu’ordonne-t-il ? demanda laMort-des-braves.

– Vous allez descendre l’Anglais dans lacave.

– Bon !

– Et vous l’y garderez à vue, jusqu’à ceque le maître ait pris un parti le concernant.

Les volontés de Rocambole furent exécutées depoint en point.

Sir James, toujours garrotté, fut transportédans le caveau du fruitier et la Mort-des-braves s’installa auprèsde lui.

On lui déliait les mains pour le fairemanger ; puis quand il avait pris son repas, on l’attachait denouveau.

À la fin de la première journée, laMort-des-braves fut remplacé par le fruitier qui passa la nuitauprès du prisonnier.

Le lendemain matin, la Mort-des-braves repritsa faction.

Trois jours s’écoulèrent.

Sir James n’était pas plus abattu que lepremier jour ; il comptait sur le hasard, en vrai fatalistequ’il était.

Enfin, le soir du troisième jour, au lieu dufruitier, ce fut Milon qui parut.

Le colosse portait sur sa tête une grandecaisse carrée qui ressemblait à ces emballages grossiers danslesquels on enferme des meubles destinés à voyager.

Il posa la caisse à terre et dit à laMort-des-braves :

– Voici le nouveau domicile de notreprisonnier.

Sir James regarda la caisse avec un étonnementqui tenait de la stupeur.

– Nous allons vous faire voyager, lui ditMilon.

– Où me conduisez-vous ?

– Le maître désire causer avec vous. Or,reprit Milon, vous conduire en fiacre est dangereux ; vouspourriez jeter des cris et attirer l’attention d’un sergent deville.

Nous allons vous faire passer à l’état decolis.

La caisse était percée sur le côté de trois ouquatre petits trous destinés à donner de l’air à l’intérieur.

Sir James s’était fait le serment de n’opposeraucune résistance.

Il se laissa bâillonner de bonne grâce etplacer dans la caisse.

On posa le couvercle dessus.

Ensuite, sir James fut secoué assez violemmentet comprit que Milon et la Mort-des-braves emportaient la caissequi, des profondeurs de la cave, remonta à la surface du sol.

Les bruits extérieurs parvenaient assezfacilement aux oreilles de sir James, grâce aux trois trous percésdans la caisse.

Il entendit le fruitier qui disait :

– Vous ne rencontrerez pas grand monde.Il est deux heures du matin et il pleut à verse.

À la porte de la maison était un camion, commeil y en a dans les grandes entreprises de roulage, et sur lequel setrouvaient déjà différentes caisses.

On plaça parmi elles celle qui renfermait sirJames et Milon monta à côté du cocher, qui n’était autre queNoël.

– En route ! dit-il alors.

Sir James fut secoué pendant le trajet àperdre la respiration.

Mais il était bâillonné et ne pouvaitcrier.

Ensuite, Noël faisait claquer son fouet avecun bruit assourdissant, qui eût couvert les plaintes de sir Jamess’il eût essayé d’en pousser.

Mais sir James était résigné.

Comme le tigre des jungles indiennes faitprisonnier durant son sommeil et qui s’est éveillé dans une cage,il attendait que l’occasion de reprendre sa liberté arrivât.

Le camion roula une heure environ.

Au bout d’une heure, il s’arrêta unmoment ; mais, se remettant en route, il réveilla les échossonores d’une voûte.

Sir James comprit qu’il entrait dans la courd’une maison et venait de passer sous une porte cochère.

Puis le camion s’arrêta de nouveau.

Alors on reprit la caisse à bras et on laporta dans l’intérieur de la maison.

Enfin sir James entendit une voix quidisait :

– Déclouez la caisse. Il doit étoufferlà-dedans.

Le couvercle sauta au troisième coup demarteau.

Sir James, couché sur le dos, ouvrit alors lesyeux et vit un plafond doré qu’il reconnut.

C’était le plafond de sa chambre à coucher dupetit hôtel de la rue Marignan.

En même temps, Milon le prit à bras-le-corpset le tira de la caisse.

Sir James se trouva alors en présence deRocambole qui lui dit :

– Je vous demande mille pardons, milord,de la façon excentrique employée pour vous faire voyager.

Et il fit un signe à Milon, qui délia lesmains et les jambes du baronnet.

Rocambole tenait à la main le même poignarddont sir James avait essayé de frapper Vanda, cinq joursauparavant.

– Vous le voyez, dit-il, vous êtes revenuchez vous.

Sir James s’inclina silencieusement.

– Et si vous le voulez bien, ajoutaRocambole, nous allons causer. Peut-être finirons-nous par nousentendre.

– Je le souhaite, dit froidement sirJames.

Et il attendit.

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