Aziyadé

XXII

Nous dînons sous les porches de la rue duSultan-Sélim. Il est déjà tard pour Stamboul ; les Turcs secouchent avec le soleil.

L’une après l’autre, les étoiles s’allumentdans le ciel pur ; la lune éclaire la rue large et déserte,les arcades arabes et les vieilles tombes. De loin en loin un caféturc encore ouvert jette une lueur rouge sur les pavés gris ;les passants sont rares et circulent le fanal à la main ;par-ci par-là, de petites lampes tristes brûlent dans les kiosquesfunéraires. Je vois pour la dernière fois ces tableauxfamiliers ; demain, à pareille heure, je serai loin de cepays.

– Nous allons descendre jusqu’à Oun-Capan, ditAchmet, qui a ce soir encore l’autorisation de faire leprogramme ; nous prendrons des chevaux jusqu’à Balate, uncaïque jusqu’à Pri-pacha, et nous irons coucher chez Eriknaz quinous attend.

Nous nous perdons pour aller à Oun-Capan, etles chiens aboient après nos lanternes ; nous connaissons biencependant notre Stamboul, mais les vieux Turcs eux-mêmes se perdentla nuit dans ces dédales. Personne pour nous indiquer laroute ; toujours les mêmes petites rues, qui montent,descendent et se contournent sans motif plausible, comme lessentiers d’un labyrinthe.

À Oun-Capan, à l’entrée du Phanar, deuxchevaux nous attendent.

Un coureur nous précède, porteur d’un fanal dedeux mètres de haut, et nous partons comme le vent.

Le sombre et interminable Phanar estendormi ; tout y est silencieux. Dans les rues où nouscourons, le soleil en plein midi hésite à descendre, et deuxchevaux ont peine à passer de front. D’un côté, c’est la grandemuraille de Stamboul ; de l’autre, de hautes maisons bardéesde fer et plus vieilles que l’islam, qui s’élargissent par le haut,et font voûte sur la ruelle humide. Il faut courber la tête enpassant à cheval sous les balcons des maisons byzantines, quitendent au-dessus de vous dans l’obscurité profonde leurs gros brasde pierre.

C’est le chemin que nous faisions chaque soirpour rejoindre le logis d’Eyoub ; arrivés à Balate, nous ensommes bien près, mais ce logis n’existe plus…

Nous réveillons un batelier qui nous mène encaïque sur l’autre rive…

Là, c’est la campagne, et de grands cyprèsnoirs se dressent au milieu des platanes.

Nous commençons aux lanternes l’ascension dessentiers qui mènent à la case d’Eriknaz.

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