Aziyadé

XIII

Aujourd’hui, 7 septembre, a lieu la grandereprésentation du sacre d’un sultan.

Abd-ul-Hamid, à ce qu’il semble, est pressé des’entourer du prestige des Khalifes ; il se pourrait que sonavènement ouvrît à l’islam une ère nouvelle, et qu’il apportât à laTurquie un peu de gloire encore et un dernier éclat.

Dans la mosquée sainte d’Eyoub, Abd-ul-Hamidest allé ceindre en grande pompe le sabre d’Othman.

Après quoi, suivi d’un long et magnifiquecortège, le sultan a traversé Stamboul dans toute sa longueur pourse rendre au palais du vieux sérail, faisant une pause et disantune prière, comme il est d’usage, dans les mosquées et les kiosquesfunéraires qui se trouvaient sur son chemin.

Des hallebardiers ouvraient la marche, coiffésde plumets verts de deux mètres de haut, vêtus d’habits écarlatestout chamarrés d’or.

Abd-ul-Hamid s’avançait au milieu d’eux, montésur un cheval blanc monumental, à l’allure lente et majestueuse,caparaçonné d’or et de pierreries.

Le cheik-ul-islam en manteau vert, les émirsen turban de cachemire, le sulémas en turban blanc à bandelettesd’or, les grands pachas, les grands dignitaires, suivaient sur deschevaux étincelants de dorures, – grave et interminable cortège oùdéfilaient de singulières physionomies ! De sulémasoctogénaires soutenus par des laquais sur leurs monturestranquilles, montraient au peuple des barbes blanches et de sombresregards empreints de fanatisme et d’obscurité.

Une foule innombrable se pressait sur tout ceparcours, une de ces foules turques auprès desquelles les plusluxueuses foules d’Occident paraîtraient laides et tristes. Desestrades disposées sur une étendue de plusieurs kilomètres pliaientsous le poids des curieux, et tous les costumes d’Europe et d’Asies’y trouvaient mêlés.

Sur les hauteurs d’Eyoub s’étalait la massemouvante des dames turques. Tous ces corps de femmes, enveloppéschacun jusqu’aux pieds de pièces de soie de couleurs éclatantes,toutes ces têtes blanches cachées sous les plis des yachmaks d’oùsortaient des yeux noirs, se confondaient sous les cyprès avec lespierres peintes et historiées des tombes. Cela était si coloré etsi bizarre, qu’on eût dit moins une réalité qu’une compositionfantastique de quelque orientaliste halluciné.

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