Aziyadé

XXXVIII

Eyoub, 29 janvier 1877.

Je n’aurais pas pardonné aux Excellences leurspasquinades diplomatiques, si elles avaient dérangé ma vie.

Je suis heureux de me retrouver dans cettepetite case perdue, qu’un instant j’avais eu peur de quitter.

Il est minuit, la lune promène sur mon papiersa lumière bleue, et les coqs ont commencé leur chanson nocturne.On est bien loin de ses semblables à Eyoub, bien isolé la nuit,mais aussi bien paisible. J’ai peine à croire, souvent, queArif-Effendi, c’est moi ; mais je suis si las de moi-même,depuis vingt-sept ans que je me connais, que j’aime assez pouvoirme prendre un peu pour un autre.

Aziyadé est en Asie ; elle est en visite,avec son harem, dans un harem d’Ismidt, et me reviendra dans cinqjours.

Samuel est là près de moi, qui dort par terre,d’un sommeil aussi tranquille que celui des petits enfants. Il a vudans la journée repêcher un noyé, lequel était, il paraît, sivilain et lui a fait tant de peur, que, par prudence, il a apportédans ma chambre sa couverture et son matelas.

Demain matin, dès l’aubette, les rédifs quis’en vont en guerre feront tapage, et il y aura foule dans lamosquée. Volontiers je partirais avec eux, me faire tuer aussiquelque part au service du Sultan. C’est une chose belle etentraînante que la lutte d’un peuple qui ne veut pas mourir, et jesens pour la Turquie un peu de cet élan que je sentirais pour monpays, s’il était menacé comme elle, et en danger de mort.

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