LXIV
D’Ismidt à Taouchandjil, de Taouchandjil àKara-Moussar, deuxième étape où la pluie nous prend.
De Kara-Moussar à Nicée (Isnik), course àcheval dans des montagnes sombres, par temps de neige ;l’hiver est revenu. Course semée de péripéties, un certain Ismaël,accompagné de trois zéibeks armés jusqu’aux dents, ayant eul’intention de nous dévaliser. L’affaire s’arrange pour le mieux,grâce à une rencontre inattendue de bachibozouks, et nous arrivonsà Nicée, crottés seulement. Je présente avec assurance monpasseport de sujet ottoman, fabrique du pacha d’Ismidt ;l’autorité, malgré mon langage encore hésitant, se laisse prendre àmon chapelet et à mon costume ; me voilà pour tout de bon unindiscutable effendi.
À Nicée, de vieux sanctuaires chrétiens despremiers siècles, une Aya-Sophia (Sainte-Sophie), sœur aînée de nosplus anciennes églises d’Occident. Encore des montreurs d’ours pourcompagnons de chambrée.
Nous voulions rentrer par Brousse etMoudania ; l’argent étant venu à manquer, nous retournons àKara-Moussar, où nos dernières piastres passent à déjeuner. Noustenons conseil, duquel conseil il résulte que je donne ma chemise àAchmet, qui va la vendre. Cet argent suffit à payer notre retour etnous nous embarquons le cœur léger, et la bourse aussi.
Nous voyons reparaître Stamboul avec joie. Cesquelques journées y ont changé l’aspect de la nature ; denouvelles plantes ont poussé sur le toit de ma case ; touteune nichée de petits chiens, dernièrement nés sur le seuil de maporte, commencent à japer et à remuer la queue ; leur mamannous fait grand accueil.